Les institutions religieuses dans notre pays n'ont pas pu assumer leur mission en tant que structures de pensée et de réflexion islamiques. Elles ont toujours été à la merci du pouvoir en place qui donne ses instructions pour le discours religieux qui doit traiter de thèmes parfois à caractère politique, voire personnel. La première conférence scientifique organisée hier par le ministère des Affaires religieuses sur le thème «Les institutions religieuses officielles après la révolution: situation et perspectives» est venue bien à propos pour traiter d'un problème d'actualité et qui mérite une intervention rapide de la part des autorités publiques vu le laisser-aller constaté dans certains lieux de culte. Pour M. Noureddine Khadmi, ministre des Affaires religieuses, le cadre juridique permet au ministère de s'acquitter de certaines missions précises dont essentiellement l'application de la politique de l'Etat dans le domaine, la recherche scientifique et la diffusion de l'information en rationalisant le discours religieux. Le ministre estime que depuis l'indépendance, la situation des différents secteurs économiques, sociaux et, bien sûr, religieux, a été caractérisée par un déclin. Une partie de la mosquée de la Zitouna a été ainsi fermée pour limiter ses activités à la prière, la récitation du Saint Coran et les fêtes religieuses. Le peuple a été privé des sciences religieuses et certains savants ont été poursuivis pour endurer les affres de la vie. Islam libre et modéré S'agissant de l'éducation religieuse, le ministre a constaté qu'elle a été marginalisée ne serait-ce qu'au niveau du coefficient de la matière enseignée. Dans le cadre de cette politique délibérée, les émissions télévisées n'étaient pas diffusées en prime-time et les heures étaient limitées. L'orateur a reconnu, cependant, que «certaines personnes ont fait un effort pour présenter un travail adéquat pour les citoyens». La conférence, la première du genre après la révolution, avait pour objectif d'engager une réflexion sur un Islam libre et modéré, qui n'est soumis à aucun contrôle et ne fait l'objet d'aucune exploitation à des fins politiques ou personnelles inavouées. La Tunisie est connue dans l'histoire pour son Islam sunnite de rite malékite, mais s'inspirant des autres rites. Elle fait partie de la Nation musulmane. Le ministre a révélé que les actes de la conférences seront publiés dans une revue scientifique et de réflexion intitulée «Al Islah» ou «la Réforme» qui sera éditée prochainement. D'autres publications sont prévues dont un bulletin d'information destiné aux cadres religieux, qui ne vise pas à donner des instructions aux imams-prédicateurs, mais de les aider à s'inspirer de certaines idées. Ce bulletin peut servir de support pour échanger les idées entre les imams et le ministère qui se prépare aussi à éditer un livre mensuel pour traiter, à chaque fois, un thème donné. Dans la foulée, le site du ministère sera modernisé. Le travail du ministère pour la prochaine étape consiste aussi à rationaliser le discours religieux et à restaurer les lieux de culte si le besoin se fait sentir. Les participants aux travaux de la conférence ont dressé un tableau peu reluisant de la situation des institutions religieuses. Ainsi, certaines institutions ont été visées depuis l'indépendance pour les anéantir. Elles n'ont pas pu s'acquitter de leur mission. Un intervenant a déploré «l'absence de journalistes spécialisés dans le domaine et le manque de compétence de plusieurs imams prédicateurs». Et de proposer la création d'une académie pour le discours et l'information religieuse qui peut être placée sous la tutelle du ministère des Affaires religieuses ou la Zitouna. Malgré l'intervention de l'Etat pour donner des instructions et se servir des lieux de culte — qui étaient marginalisés — à des fins personnelles, la foi chez les Tunisiens n'a pas été entamée. Après la révolution, une nouvelle réalité a surgi : plusieurs intervenants aux idées contradictoires font partie de l'institution religieuse. La présence de ces intervenants n'est pas toujours légale et ne s'adapte par à leur environnement. Certains salafistes sont allés jusqu'à occuper des lieux de culte en chassant les imams désignés pour prendre leur place. Le contenu des livres scolaires «Le ministère des Affaires religieuses doit assumer ses responsabilités, selon un participant, en maîtrisant la situation et en assurant un contrôle sur tous les lieux de culte». Les participants ont proposé, par ailleurs, de mettre en place des structures chargées de diffuser la pensée islamique à large échelle. Même les institutions académiques existantes à Kairouan et à Sousse n'ont pas travaillé efficacement dans la mesure où le nombre de chercheurs est insuffisant, alors que les moyens de travail sont limités. Pourtant, ces structures ont pu organiser, quand même, quelques manifestations et éditer des publications. Le manque de coordination avec les autres institutions scientifiques a été également mis en exergue. Les interventions extérieures dans le travail des académies — qui manquent de rayonnement — n'ont pas arrangé les choses. Plusieurs études dans les archives sont de surcroît inexploitées. La matière islamique dans les programmes scolaires a été traitée par plus d'un participant. En effet, certaines matières comme la philosophie et l'anglais sont contradictoires avec l'éducation religieuse. Cela ne permet pas de former une personnalité homogène chez le jeune. En 2009, une commission a pourtant révisé le contenu des livres scolaires pour éliminer les contradiction avec l'éducation religieuse. Le ministère de l'Education n'a pas accepté les propositions de la commission, traitant ses membres d'intégristes qui veulent retourner aux périodes obscures. Par ailleurs, les institutions religieuses manquent de documents et d'archives permettant d'effectuer des recherches et des études. Il a été difficile pour un chercheur — présent à la conférence — d'effectuer une étude sur les associations de mémorisation du Coran vu le manque d'information ainsi qu'une encyclopédie sur le pèlerinage.