ussi bien terrestre que maritime. Chaque semaine apporte son lot de surprises. Et, par conséquent, la contrebande des produits de toutes sortes a connu une prolifération sans précédent, permettant à de nombreux passeurs de faire fortune en quelques mois. Des matériaux de construction, du phosphate, des médicaments, des denrées alimentaires, des fruits et des légumes, des œufs, des boissons...dans un sens; de l'électroménager, du cuivre et des hydrocarbures dans l'autre passaient jour et nuit et en grandes quantités. Le lait tunisien se vend actuellement au Tchad et au Mali, nous dit-on à Ben Guerdane. Les services de la douane avaient, certes, renforcé les contrôles pour lutter contre ce phénomène, réalisant parfois des prises spectaculaires, mais on est encore loin de la quantité qui échappe à la vigilance des gardes-frontières, d'après des témoins oculaires qui connaissent la zone, parce que, selon eux, les deux révolutions dans les deux pays limitrophes ont rendu difficiles les contrôles et les saisies; il est alors impossible de pouvoir mettre fin, du moins pour le moment, à ce genre de commerce illicite, malgré la coordination entre les deux pays. Mais c'est surtout la contrebande de bétail qui a pris, semble-t-il, des proportions inquiétantes. On sait bien que l'élevage de mouton est fortement ancré dans nos traditions, que l'ovin y joue un rôle économique, social et rituel et qu'il reste par excellence l'animal associé aux fêtes religieuses et familiales; il y a donc de quoi se faire des soucis. Vu les vagues d'exportation illégale de ces animaux vers la Libye, le prix de l'agneau a atteint maintenant 400 D. Qu'en sera-t-il à la veille de l'Aïd El-Kébir? La circulaire du ministère de l'Agriculture, mise en application depuis le 23 juin dernier, et exigeant l'obtention d'une autorisation pour le transport du bétail, a freiné un peu l'hémorragie sur les routes principales, mais elle a repris de plus belle au bout d'une semaine ou deux. «Chaque soir, des camions chargés de bétail franchissent la frontière, au niveau de la localité de Aïn Tartar et probablement la même chose près de Machhed Salah, Ettouay, El ouaâra...», nous dit Haj Salem Kh. «Les petits agriculteurs, à Djerba, sont depuis longtemps la cible de vols qui alimentent le marché parallèle. Moi même, j'ai perdu un mouton et deux agneaux», ajoute Abderrazag S. Mbarak Kh., originaire de Dhéhiba, impute la responsabilité à l'Etat qui «devra, dit-il, aider les agriculteurs pour qu'ils ne se trouvent pas obligés de vendre leurs animaux à des passeurs, à bas prix. Ensuite, renforcer la surveillance en faisant appel à des cavaliers militaires armés et enfain associer dans les patrouilles des gens d'ici qui connaissent bien la zone» «A mon avis, la situation devient vraiment difficile à maîtriser, une fois les contrebandiers ont mis le cap sur les deux gouvernorats limitrophes de la Libye (Médenine et Tataouine). Il faudrait donc multiplier les barrages de contrôle ailleurs, à Gabès, Gafsa, Kébili ; ils viennent de loin, d'Algerie, parfois. Chez nous, dans la délégation de Ben Guerdane, le poste 14 qui se trouve sur la route qui mène vers Ras Jédir n'est plus comme avant, franchement. Le contrôle est à présent moins strict. Là, j'ai entendu un agent dire à un conducteur d'une camionnette chargée de bétail d'emprunter la piste pour contourner le barrage; et, dans les environs, je connais d'autres personnes qui travaillent avec leurs tracteurs pour remorquer les camions qui s'ensablent». Et Houcine L. d'ajouter : «Le système pastoral implanté dans ces zones arides, à proximité du territoire libyen, est à surveiller de près. Il est caractéristique de la société nomade pratiquant des mouvements de transhumance le long de la frontière, ce qui facilite le contact avec les libyens pour l'accomplissement de ce commerce illicite».