15 sections zeitouniennes ouvertes dans le pays L'enseignement religieux intéresse les Algériens Le ministère de l'Education n'a pas souhaité s'exprimer Les jeux sont faits. Si l'on en croit Houcine Laabidi, cheikh Akbar de la Zitouna, qui, lui, ne chôme pas. L'enseignement zeitounien est bel est bien lancé. Joint par La Presse samedi à 13h, le cheikh se dirigeait, justement, vers Jendouba pour y inaugurer une filiale de l'enseignement religieux. Une trentaine de zeitouniens auront la charge de superviser l'établissement et de dispenser les cours. Le lendemain dimanche, l'inauguration d'un centre à Kairouan était en bonne place dans l'agenda du très énergique cheikh. Face à cette prise en main du champ religieux et maintenant éducatif, les réactions des ministères concernés, Affaires religieuses et Education en l'occurrence, brillent par leur sens de la pondération. Qu'en est-il au juste ? Aux dires de notre interlocuteur, le système éducatif zeitounien, car c'est bien de cela qu'il s'agit, se scinde en deux types d'enseignement. «Nous relançons l'école coranique» L'enseignement que nous appellerons «traditionnel» est chargé d'accueillir la tranche d'âge 14 ans et plus. Les jeunes ciblés recevront essentiellement une formation religieuse agrémentée de quelques modules scientifiques. Cet enseignement est déjà opérationnel. 15 sections sont ouvertes, trois autres se préparent à l'être, à Monastir, Mahdia et Menzel Temime, «nous inaugurons à raison de trois par semaine», affirme méthodiquement le Cheikh. Les Algériens, intéressés par le modèle ainsi que par le mode opératoire, prévoient d'ouvrir coup sur coup deux centres zeitouniens dans la seule ville de Constantine, accompagnés de l'expertise locale. Ces écoles —«Ibn Badis» et «Ketani»— sont en cours de lancement avec l'aval des officiels du pays voisin, semble-t-il. Cet enseignement, si traditionnel soit-il, est ouvert, selon notre interlocuteur, à l'enseignement moderne et aux langues, après l'initiation faite par feu cheikh Fadhel Ben Achour en 1954. Gratuite, l'instruction religieuse s'étale sur six ans et plus. Chaque phase est couronnée d'un diplôme. «L'enfant, depuis son jeune âge, est abreuvé de valeurs islamiques» Le deuxième type, que nous appellerons «scolaire», est beaucoup plus ambitieux. Il cible la petite enfance «qui doit être abreuvée de valeurs islamiques». Il s'agit véritablement d'un parcours parallèle à l'enseignement public. Il accueillera des écoliers dès l'âge de six ans pour les accompagner jusqu'à l'université. Dans les prévisions, la première école primaire zeitounienne sera ouverte à Radès. Le projet est encore à l'étude, nuance prudemment le Cheikh. Le contenu du programme sera aligné sur le système national. De nouvelles matières seront ajoutées, notamment le Coran, le «Fikh», l'exégèse et le «Tawhid». Les langues arabe et anglaise seront obligatoires, le français ne sera enseigné qu'à titre optionnel. Dans le système du protectorat, il y avait l'école coranique et l'école franco-arabe, affirme encore le cheikh au fait de la chose éducative, «nous allons relancer l'école coranique». Il paraît en outre que le concours de la sixième sera remis en place pour clôturer la première phase primaire, c'est ce qu'affirme en tout cas «le grand imam». L'écolier tunisien du formation zeitounienne accèdera ensuite aux cursus secondaire et plus tard universitaire dans des établissements religieux spécifiques. Les instituteurs du primaire seront sélectionnés en fonction de leurs niveau et expérience pédagogiques, les retraités seront favorisés par rapport aux autres, conclut Cheikh Laâbidi, vif comme à son habitude. «L'enseignement zeitounien est en suspens» Le ton est plutôt à la mesure du côté des Affaires religieuses. Un congrès national est en préparation pour traiter «des tenants et aboutissants de l'enseignement zeitounien», nous annonce-t-on. La date de sa tenue, vers la miseptembre, n'est pas confirmée. Selon M.Sadok Arfaoui, conseiller auprès du ministre, les compétences nationales zietouniennes seront consultées, les expériences de l'Egypte, du Maroc et d'autres pays arabes seront scrutées, «pour que soit définie une vision globale de l'enseignement, ses objectifs et où s'arrêtent ses limites». De fait, la vision officielle, un brin abstraite du ministère est incompatible avec celle, si fonctionnelle, de l'impétueux cheikh Laâbidi. «Pour nous, l'enseignement zeitounien est encore en suspens», insiste encore le porte-parole à La Presse. Quant à la plainte que devait déposer le ministère des Affaires religieuses devant le tribunal administratif, annoncée dans notre édition du 22 août, elle a été abandonnée! Une autre voie juridique est adoptée ; c'est désormais le Contentieux de l'Etat qui se chargera de toute l'affaire de la gestion de la mosquée Zitouna ; le changement des serrures, la légitimité de la «masheikha» —comité des ulémas— à superviser l'enseignement religieux ainsi que la validité du document du 12 mai signé par les trois ministres. Le tribunal ayant refusé de délibérer en référé. La partie adverse représentée par les avocats de cheikh Laâbidi avaient produit leurs justificatifs. Affaire ajournée donc. Sollicité par nos soins à plusieurs reprises, au cours des derniers jours, le ministère de l'Education, à plusieurs niveaux, n'a pas souhaité s'exprimer sur la question. Face aux lourdeurs administratives, pour ne pas dire incohérences et manque de fermeté, un homme avance inlassablement. Entre les deux postures, le contraste est saisissant. Deuxième constat ; le parti majoritaire au pouvoir a construit sa politique sur son référentiel islamique qui légitime jusqu'à sa raison d'être. Or, les nouveaux gouvernants semblent dépassés et pris de court dans la gestion du champ religieux.