LE CAIRE (Reuters) — Une femme portant le voile a présenté dimanche soir le journal sur la télévision d'Etat égyptienne, une première saluée par un grand nombre de ses concitoyens qui y voient la fin d'une règle tacite fermant sous l'ère Moubarak la porte des médias aux femmes voilées. Fatma Nabil est apparue à l'écran maquillée, portant une veste noire et un voile beige couvrant ses cheveux, ressemblant ainsi à de nombreuses femmes musulmanes égyptiennes portant le «hijab», voile cachant les cheveux mais laissant apparaître le visage. Bien que des femmes voilées aient eu l'occasion de présenter quelques émissions lorsque l'ancien «raïs» était au pouvoir, les autorités laïques de l'époque avaient tenues éloignées les femmes voilées des journaux télévisés. «L'apparition d'une présentatrice voilée pour la première fois à la télévision égyptienne est une victoire pour les libertés et ne les réduit pas, comme certains le pensent. Est-ce la liberté, d'empêcher une femme voilée de présenter une émission ?», commente Samih Toukan sur le site internet Albawaba. Mais des esprits critiques voient en cette première l'expression de la volonté des Frères musulmans, ou «Ikhouan» en arabe, d'étendre leur influence sur la société. «Non à l'ikhouanisation de l'information», écrit Loai El Ashry sur le site internet du quotidien indépendant Al-Masry Al-Youm. «Musulman opprimé» Un autre homme déclare sur le site de la télévision d'Etat EgyNews sous le pseudo «Un musulman opprimé» : «Je suis opprimé par les actions des Frères musulmans (...) qui veulent que toute l'Egypte devienne les Frères musulmans, comme si nous n'étions pas musulmans et que nous ne serions amenés à le devenir que grâce à leur présence.» Quelques Egyptiens accueillent quant à eux la fin d'une pratique empêchant les femmes voilées de présenter le journal comme une bonne nouvelle mais considèrent que le débat devrait aller plus loin. «La réforme des médias d'Etat devrait aller au-delà de l'apparence (des présentateurs), elle devrait faire en sorte que ces chaînes ne soient plus la voix du gouvernement», écrit la journaliste Raouya Rageh sur Twitter. Avec la victoire de Mohamed Morsi à l'élection présidentielle et la domination des Frères musulmans au Parlement, des chrétiens et des libéraux ont fait part de leur inquiétude quant au fait que l'application de codes religieux puisse nuire à leurs libertés. Morsi qui, comme nombre de Frères musulmans, a été emprisonné sous Moubarak, affirme représenter à son poste tous les Egyptiens. Il a été critiqué pour tenter de museler la presse : deux journalistes devront d'ailleurs répondre devant la justice d'insulte au président. La Chambre haute du Parlement, dominée par les Frères musulmans, a par ailleurs désigné les nouveaux rédacteurs en chef des journaux d'Etat, une pratique usuelle sous Moubarak et qui devrait avoir disparu, de l'avis d'activistes.