Madame Mongia Amira Mabrouk est partie le 12 juillet 2012 , à un mois de la célébration du 56e anniversaire de la Fête de la femme, dans un contexte où les droits des femmes sont remis en question. Madame Mabrouk, née en 1920, a été la première dame agrégée de lettres arabes de la Sorbonne et a occupé le poste de proviseur ,d'abord au lycée de Montfleury durant une année, puis au lycée de jeunes filles de Radès jusqu'à son départ à la retraite. Première femme proviseure après l'Indépendance, elle a fait de son lycée une pépinière où des milliers de jeunes filles, toutes classes sociales confondues , ont contribué à bâtir, chacune à son niveau, une Tunisie sur le chemin de la modernité , malheureusement aujourd'hui menacée. Je ne peux m'empêcher, de même, de rendre hommage à feu madame Amira, sa mère, qui a su rendre l'impensable possible, en scolarisant ses quatre filles, à une époque où il était rarissime que des jeunes filles se rendent à l'école, encore moins qu'elles accèdent à des études supérieures. Sa mère a eu le courage de braver cette société extrêmement conservatrice. Mongia Amira Mabrouk fait partie de ces pionnières qui ont brisé les chaînes et se sont élevées au rang de citoyennes à part entière. Elle a brisé d'autres chaînes et fait de l'éducation, enseignement-sport-culture, le moyen d'émancipation de milliers de jeunes filles. Elle a contribué à activer cet ascenseur social, aujourd'hui en panne, qui a permis à de jeunes femmes, de venir grossir les rangs des forces vives qui ont contribué à la construction d'une Tunisie, aujourd'hui en perdition. Mongia Amira Mabrouk a formé des générations de femmes éprises de savoir, de liberté, d'égalité, de justice... Des femmes, volontaires, bâtisseuses... Des femmes imprégnées des valeurs du travail, de la rigueur, du respect d'autrui... Elle a donné l'exemple en faisant du lycée, son lycée, le foyer d'une grande famille, de l'ouvrier au cadre et de l'élève au parent d'élève, que l'enceinte du lycée réunit, mais que son domicile aussi accueille, dans des réunions festives, à l'occasion des fêtes de fin d'année, des mariages, des célébrations de naissances, circoncisions, succès et réussites scolaires et professionnelles, mais aussi dans les moments durs que la vie peut imposer, lors des maladies et des deuils. Mongia Amira Mabrouk a été, pour ceux et celles qui l'ont connue, un exemple de droiture, en même temps que de spontanéité et de joie de vivre. D'une vaste culture et d'une grande curiosité, elle était assoiffée de découverte, de spectacles, de voyage... De son vivant, il lui a été rendu les honneurs qu'elle mérite à multiples reprises .Elle a reçu sa première décoration en 1954 par le Bey suite à son obtention de l'agrégation, puis, par la suite, durant son parcours professionnel, différentes autres décorations. Aujourd'hui mercredi 5 septembre, au lycée de Radès Mongil, une autre rencontre aura lieu avec ses anciennes élèves non pas pour la pleurer, mais pour partager ensemble des souvenirs et pour lui rendre un dernier hommage.