Selon M. Ezzeddine Saïdane, les problèmes que vit la Tunisie, aujourd'hui, auraient pu être contournés si des choix différents avaient été pris pour préserver les équilibres économiques du pays. Il rappelle, dans ce cadre, que l'économie n'est autre qu'un ensemble d'équilibres à préserver: l'équilibre production /consommation, épargne/investissement, importations/exportations et économie réelle/ économie monétaire. Autant d'équilibres qu'il faut garantir pour avoir une économie bien portante. L'équilibre entre l'économie monétaire et l'économie réelle, précise M. Saïdane, a pour objectif de veiller à ce que l'économie d'un pays ne dispose ni de trop de liquidités, auquel cas on aboutit à une inflation avec ses conséquences désastreuse, sur l'économie, ni de trop peu de liquidités, auquel cas on se retrouve face à un étouffement de l'économie sous forme de déflation. Il relève, par ailleurs, que le rôle principal de la Banque centrale est celui de préserver la valeur de la monnaie nationale au moyen d'une politique monétaire appropriée. Les moyens disponibles en matière de politique monétaire sont au nombre de trois, précise-t-il, il s'agit de la gestion du taux d'intérêt directeur, de la gestion de la parité de la monnaie (le taux de change) et de la supervision et du contrôle du système bancaire et financier. A la question «la Tunisie dispose-t-elle d'une politique monétaire ?», il répond par la négative : «En effet, nous n'avons jamais eu de véritable politique monétaire élaborée par une banque centrale indépendante, et même si la BCT a généralement veillé à préserver la valeur de la monnaie nationale, on ne peut parler de politique monétaire étudiée, discutée et approuvée par le conseil d'administration de la BCT». Il suffit de voir de quelle manière nous avons limogé un gouverneur de la Banque centrale pour le remplacer par un autre sans qu'il y ait eu le moindre débat sur les choix de politique monétaire. Tout le débat était politique et donc, dans ce cas, hors sujet. Pour parler de la politique monétaire la mieux appropriée pour la Tunisie, Ezzeddine Saïdane revient, d'abord, sur les actions conduites par la BCT depuis le 14 janvier et souligne que la diminution, à plusieurs reprises, du taux directeurs n'était pas le bon choix, puisque les réductions de taux d'intérêt ont négativement impacté l'économie du pays. Il note, à ce propos, que viser à booster l'investissement à travers une baisse du taux était inapproprié dans la conjoncture que vivait le pays en 2011 et que continue à vivre le pays maintenant. Du fait du contexte particulier par lequel passe la Tunisie, l'investissement est sensible aussi bien à la sécurité et au climat des affaires qu'au niveau du taux d'intérêt. En outre, prétendre protéger la santé financière des entreprises à travers la baisse du taux directeur est aussi un argument infondé, souligne-t-il, car la part des frais financiers est négligeable au sein de la structure des coûts des entreprises. Ainsi, selon M. Saïdane, la baisse du TMM n'a point permis de relancer l'investissement et n'a fait qu'impacter négativement les grands équilibres du pays. Résultat des courses, on se retrouve aujourd'hui avec un taux d'intérêt réel négatif (le taux d'intérêt réel étant le taux nominal - le taux d'inflation). Aujourd'hui, la rémunération réelle de l'épargne sous toutes ses formes est négative, précise notre spécialiste, chose qui pousse, inévitablement, à la consommation, «or, l'économie tunisienne est une économie ouverte et le consommateur tunisien peut acheter aussi bien des produits locaux que des produits importés, option qui a généré une flambée des produits importés». Tout ceci aura engendré des tensions inflationnistes (le taux d'inflation est actuellement de 5,8%), une augmentation rapide du déficit commercial (+52% en une année) et un effondrement du niveau des réserves de change. Néanmoins, la conséquence la plus grave est, de l'avis de M. Saïdane, celle qui a affecté les équilibres fondamentaux de l'économie tunisienne. En effet, «l'épargne nationale qui s'est toujours située aux alentours de 22% du PIB a chuté de façon vertigineuse pour se situer à 16%», relève notre spécialiste, qui explique, à ce propos, que la chute de l'épargne nous mène inévitablement soit à une chute des investissements, soit à un recours excessif à l'endettement extérieur. Deux issues aussi épineuses l'une que l'autre. «Ce n'est, toutefois, pas l'endettement en soi qui pose problème mais l'usage qui en est fait, notamment lorsqu'il est orienté vers des secteurs non productifs». A ce propos, il rappelle que la loi de finance pour l'année 2012 a un caractère social dominant et précise que le social, aussi important soit-il, ne sert pas la croissance et qu'à un certain moment il crée de l'inflation et aggrave l'endettement.