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Crise économique mondiale:
Publié dans L'expert le 13 - 04 - 2009

La réactivité est une qualité essentielle en matière de gestion de crise. Son timing est d'une importance capitale, voire vitale, pour une action efficace et harmonieuse dans un contexte économique mondial adverse. Opportunément, l'action des autorités monétaires en Tunisie se situe dans le droit fil de cette orientation. Pour cause, le Conseil d'administration de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a, au cours de sa réunion mensuelle tenue au milieu du mois de février dernier (le 17 du mois), passé en revue l'évolution de la conjoncture internationale et ses répercussions sur l'économie nationale. Le communiqué de presse, du reste laconique, publié au terme de cette réunion indique qu'à la lumière de la forte baisse de la croissance mondiale qui, d'après les dernières estimations du Fonds Monétaire International ne dépasserait pas 0,5% en 2009 contre 3,4% réalisée en 2008, et de ses incidences sur l'économie nationale et compte tenu de la détente attendue des pressions inflationnistes, le Conseil a décidé de baisser le taux directeur de la BCT de 75 points de base pour le ramener de 5,25% à 4,50%. Une action fort salutaire est qui dit long sur une réactivité des plus désirée en ces temps durs. D'ailleurs, le Conseil justifie cette décision «par la baisse de l'indice des prix à la consommation dont l'accroissement est revenu, en termes de glissement annuel, de 4,1% en décembre 2008 à 3,5% en janvier 2009, tendance qui d'après les prévisions se poursuivrait au courant de l'année». Commentant ce geste de l'Institut d'Emission, monsieur Taoufik BACCAR, le Gouverneur de la BCT a révélé que le principal risque à encourir par l'ensemble des pays du monde, si rien n'est fait à temps, est de connaître la «trappe de la déflation» se traduisant généralement par une baisse des prix qui ne génère pas une hausse de la consommation, évoquant au passage le cas du Japon qui n'est pas parvenu à s'en sortir depuis une dizaine d'années. Il faut dire que la Banque du Japon a faillit en temps de crise à ses responsabilités en retardant des décisions qui n'attendent point et dont le pays subit jusqu'à aujourd'hui encore les conséquences d'une action tardive. Cette prise de conscience au plan national est, faut-il le relever, tributaire de la situation monétaire au plan international générée par le fait que la crise mondiale, d'essence financière, a fait resurgir les concepts de trappe de la déflation, trappe à la liquidités, de la déflation et désinflation et leur corollaire l'inflation. Du coup, la gestion de la crise implique le recours à une politique monétaire différente de celle adoptée en temps «normal».
Cela implique inévitablement le recours à de nouveaux mécanismes et à de nouveaux modes de gestion.

Des causes diverses
De toute évidence, des termes rébarbatifs comme «la trappe à la déflation», «la trappe à liquidités», déflation, désinflation, etc reviennent sur scène et font même surface. Le débat économique qui s'est installé s'explique essentiellement par le retour de la variation des prix à la hausse et à la baisse des prix des matières premières, affectant à chaque mouvement le pouvoir d'achat des ménages et les budgets des entités de production. Il faut dire que le mouvement spectaculaire des prix du baril du pétrole, qui est revenu d'environ 150 dollars l'été dernier à moins de 40 dollars pour remonter actuellement à environ 45 dollars, a enregistré des variations erratiques qui ont chambardé les plans de développement des uns et des autres. De même, les prix de l'immobilier, notamment aux Etats-Unis et en France, ont spectaculairement chuté. Egalement, les marchés boursiers ont quasiment tous perdu 50% de leur valeur depuis le début de l'année 2008. Aussi, les prix à la production aux Etats-Unis ont-ils baissé, de 2,8% en octobre dernier, un record depuis 1947. Dans la foulée, l'indice des prix à la consommation a perdu 1 point en octobre, une première depuis 61 ans.

Des définitions et différends concepts
L'inflation et la déflation sont deux monstres aussi hideux l'un que l'autre. La déflation est généralement définie comme la baisse généralisée et durable des prix. A ne pas confondre avec la désinflation, qui est un ralentissement du rythme de la hausse des prix, et avec l'inflation, synonyme d'augmentation des prix. Pour sa part, la stagflation est un phénomène qui combine une croissance faible, voire une récession, avec une inflation élevée. A la question de savoir l'effet de la déflation sur le pouvoir d'achat, l'économiste Martha C. WHITE souligne que sur le papier, la baisse des prix, ça semble plutôt pas mal. Si elle est le résultat d'une hausse de la productivité, ou d'une concurrence accrue, elle est évidemment bienvenue. Mais la déflation, ce n'est pas cela. Elle apparaît plutôt en période de crise, notamment quand des bulles se dégonflent, comme au Japon dans les années 1990 et comme dans les années 1930 également. C'est d'ailleurs l'économiste Irving FISCHER qui, le premier, en a décrit les mécanismes en 1933, au plein de la Grande Dépression. Comme le rappelle l'analyste Jean-Marc VITTORI, "c'est l'apurement des dettes qui fait baisser les prix. Les acteurs trop endettés liquident des actifs à bas prix. Le crédit se raréfie et l'argent manque dans les trésoreries, comme on le voit dans nombre de Petites et Moyennes Entreprises. Pour rentrer de l'argent, les entreprises cassent les prix".

Le virus de la déflation est coriace
La consommation se met à diminuer, l'investissement aussi car emprunter quand les prix baissent est plutôt dissuasif. Le résultat, c'est la baisse de la croissance, voire la récession. La hausse des faillites, et donc du chômage, le recul de la production, la perte de pouvoir d'achat, la baisse de la demande, la baisse des prix... Un vrai cercle vicieux, qui s'alimente en permanence. Car une fois que la déflation est là, difficile de s'en débarrasser. Le Japon peut en témoigner. Il en a subi les effets pendant dix ans, et en sort à peine.

Quid des solutions?
C'est très délicat car si les prix baissent, la politique monétaire perd de sa puissance. Les banques centrales auront beau baisser leurs taux d'intérêt, même les laisser à 0%, cela n'aura pas d'effet. Comme l'explique Martha C. WHITE "si les taux d'intérêt flirtent trop longtemps à des niveaux proches de zéro, les investisseurs institutionnels ne seront plus d'accord. Le problème avec un taux d'intérêt proche de zéro, c'est qu'il n'y a aucun profit à faire en prêtant de l'argent. Les prêteurs préfèrent s'asseoir sur leur cash plutôt que de risquer de le perdre". C'est la trappe à liquidités. Sinon, lorsque l'arme monétaire est impuissante, il reste l'arme budgétaire, comme le rappelle l'analyste Hélène REY. Mais creuser les déficits pour relancer l'économie augmente aussi l'endettement...

L'urgence de parer à une déflation mondiale
Les autorités monétaires ont agi très vite, et dans différentes directions, notamment sous formes de baisse des taux d'intérêt, d'injection de liquidités, de soutien direct aux entreprises en perdition. Et les gouvernements multiplient les garanties pour soutenir le secteur bancaire, donc le crédit, et enchaînent les plans de relance. L'économiste visionnaire Nouriel ROUBINI, devenu célèbre par une crise financière qu'il était l'un des seuls à avoir prévu, estime qu'il est encore temps pour les Etats-Unis d'éviter une déflation à la japonaise, si la politique économique reste aussi volontariste qu'elle l'est actuellement. Beaucoup fondent aussi leurs espoirs sur les pays émergents pour éviter une déflation mondiale. Ils sont certes eux aussi touchés par la crise, mais affichent tout de même des taux de croissance élevés. John Steele GORDON, auteur d'une «Histoire épique de la puissance économique américaine», rappelait ainsi récemment que "l'économie globale est beaucoup plus intégrée aujourd'hui qu'en 1929 qu'elle est de nos jours et beaucoup plus riche. Au début des années 1930, seuls les Etats-Unis étaient le moteur de cette croissance et quand le pays toussait, le monde entier toussait aussi. Aujourd'hui l'Inde et la Chine sont aussi des moteurs importants de croissance".
Cas d'école: Le Japon
Une fine analyse et plus détaillée de l'économie japonaise dans les années 1990 suggère que la crise actuelle prenne, par certains aspects, la voie de la déflation. A la différence toutefois que les réponses politiques des grandes économies devraient permettre de l'éviter. Néanmoins, l'énormité du coût du sauvetage bancaire pour les finances publiques débouchera inévitablement sur une création monétaire massive. La crise que nous vivons risque-t-elle d'entraîner nos économies vers une véritable déflation? La déflation doit être distinguée d'une simple inflation négative qui n'est en fait qu'une désinflation poussée à l'extrême. Elle correspond à une baisse des prix durable accompagnée d'une profonde dépression de l'activité économique. Ce phénomène gravissime est heureusement très rare. Depuis un siècle, on ne l'avait connu que deux fois: après la crise de 1929 et au Japon des années 1990. C'est ce dernier cas, plus proche de nos économies contemporaines qui peut le mieux nous éclairer actuellement.
L'action tardive de la Banque du Japon
Après l'euphorie des années 1980, marquée par une hausse extravagante des prix d'actifs, la Banque du Japon ne s'est décidée à intervenir que tardivement et elle n'a commencé à relever son taux qu'en 1989. Or, dès 1990, pendant que les taux d'intérêt continuaient de progresser, les prix de l'immobilier commençaient de refluer. Tout s'est alors enchaîné très vite: éclatement des bulles immobilière et boursière, effondrement des prix sur ces marchés, retournement de la conjoncture réelle et recul rapide de l'inflation. A ce choc macroéconomique s'ajoutait une crise bancaire sans précédent due à une montagne de créances irrécouvrables, évaluée à 20% du PIB ! Malgré une politique de taux zéro, la récession ne fit qu'empirer, prenant l'allure d'une véritable dépression, les banques restant tétanisées par le montant de leurs "bad debts".
La trappe à liquidités
L'expérience japonaise a permis de mettre en lumière, à côté des deux données de base que sont la baisse des prix et le recul de l'activité, deux phénomènes qui peuvent être considérés comme des signaux avertisseurs de déflation. D'abord la constitution d'une "trappe à liquidités": dans une situation de pessimisme extrême, les agents économiques, victimes d'une sorte d'anorexie, épargnent toute injection nouvelle de liquidité. Autre indice important, l'apparition d'une remontée des taux réels, le taux d'escompte étant bloqué à zéro alors que les prix continuent de baisser.
Le moment opportun
L'expérience japonaise a aussi montré l'extrême importance d'un bon timing, les diverses mesures prophylactiques, notamment l'assouplissement de la politique monétaire, étant d'autant plus efficaces qu'elles interviennent plus tôt. Elle a aussi mis en lumière le danger d'être trop attaché à une conception rigide de l'orthodoxie qui conduit à refuser une reprise massive des créances bancaires rendue pourtant indispensable lors d'une crise systémique.
Des similitudes
A l'aune de l'exemple japonais, on peut mieux analyser la véritable nature de la crise actuelle de nos économies: la croissance négative du PIB? Elle est déjà observée aux Etats-Unis et en Europe. La baisse absolue des prix? On ne la constate pas encore, mais clairement, la désinflation s'accélère. La hausse des taux réels? On commence aussi à l'apercevoir. Quant à la constitution d'une "trappe à liquidités", elle n'existe sans doute pas encore, mais il faut bien reconnaître que la croissance de la base monétaire (monnaie banque centrale), plus rapide que celle de la masse monétaire elle-même, est un signal inquiétant. Au total, on peut donc conclure que les Etats-Unis et l'Europe montrent le tableau d'économies qui ne sont pas encore en déflation, mais qui se dirigeraient sans doute dans ce sens si elles étaient livrées à elles-mêmes. Or, c'est justement la mise en œuvre résolue de politiques correctrices qui différencie aujourd'hui les économies occidentales de l'expérience japonaise, et plus encore du précédent des années 1930. On note à la fois une volonté des autorités politiques et monétaires de tout faire pour éviter une dépression et la grande liberté de manœuvre dont elles jouissent du fait que les banques centrales ne sont plus liées par les contraintes d'une convertibilité-or ou d'un taux de change fixe.
Le véritable champ de bataille
Aujourd'hui, la bataille doit être menée sur deux fronts: le soutien de certaines industries en péril et la consolidation du système bancaire. Sur ce dernier point, si la politique envisagée paraît un peu fluctuante, on peut penser qu'à côté des efforts de recapitalisation, l'assainissement du secteur bancaire passera nécessairement par une très large reprise des créances douteuses. L'idée commence certes à faire son chemin. Mais il faudra sans doute aller plus loin dans les modalités. En effet, le processus qui est à l'œuvre actuellement transite par le budget des Etats. Or, selon toute vraisemblance, les sommes en jeu, qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars, risquent de se révéler hors de portée d'une gestion budgétaire normale même très accommodante. Il faudra peut-être alors se résoudre à user du moyen ultime et imparable qu'est la création monétaire: soit que la Fed achète des obligations du Trésor (ce qui est déjà commencé) soit même qu'elle intervienne directement en achetant elle-même des créances toxiques. Aux esprits orthodoxes qui ne manqueront pas d'être effrayés par un tel afflux de liquidité, une double réponse pourra être faite. D'une part, il faut choisir le moindre mal, or à présent la déflation est sans conteste plus dangereuse que l'inflation. D'autre part, le risque inflationniste peut être jugulé en stérilisant, par le jeu de réserves obligatoires, la plus grande partie de la monnaie ainsi créée.
Moralité de l'histoire, le dernier geste des autorités monétaires en Tunisie, matérialisé par la décision du Conseil d'administration de la BCT de baisser son taux directeur de 75 points de base, pour le ramener de 5,25% à 4,50%, est venu au moment opportun témoigner d'une réactivité salutaire pour parer, comme l'a souligné à juste titre le Gouverneur de l'Institut d'Emission, à une situation hypothétique de «trappe de la déflation».


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