«Conseils de magistrature entre standards internationaux et expériences nationales», tel est le thème que l'observatoire national pour l'indépendance de la magistrature vient d'organiser, hier matin, à Tunis, en présence d'un aréopage de juristes, de magistrats et d'auxiliaires de justice. M. Ahmed Rahmouni, président de l'observatoire, n'a pas manqué, à l'ouverture des travaux, de mettre la manifestation dans le droit fil des revendications les plus exigeantes du corps du métier au lendemain de la révolution du 14 janvier. Une réforme structurelle de fond en comble qui devrait être en mesure de réorganiser le secteur et de l'assainir des résidus de la dictature de l'ancien régime. Mais comment y parvenir à la lumière d'un tel bras de fer continu entre la profession et le gouvernement ? Pour repenser la structuration du métier, Souad Moussa, professeur en droit public, à l'université de Sousse, a donné un aperçu historique sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire en Tunisie au bout de plus d'un demi-siècle durant. A l'ère bourguibienne comme à celle de Ben Ali, la Constitution de 1959 a été vidée de son sens, en raison d'abus du pouvoir exécutif et d'instrumentalisation politique. Elle a également fait un tour d'horizon des formes et type des conseils de magistrature dans différents pays européens. Bien qu'ils diffèrent d'un système politique à l'autre, ces conseils se ressemblent en termes d'indépendance et d'autonomie. Dans ce sens, Pr Moussa a relevé que le Conseil supérieur de la magistrature dont le projet de loi est encore en gestation fait actuellement l'objet d'autant de propositions et de tiraillements entre les parties prenantes. De son côté, Anes Hmadi, membre du bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a éxpliqué que l'AMT n'a cessé de militer avant et après le 14 janvier, appelant à accélérer la mise en place d'une instance provisoire indépendante à laquelle sera confiée la gestion des affaires judiciaires. Hélas, cette instance n'a pas trouvé son compte et les concertations dont elle a fait objet dans les rouages du département de M. Noureddine Bhiri n'ont pas porté, jusque-là leurs fruits. Cette longue tergiversation n'est absolument pas fortuite. A l'en croire, le ministère de la Justice n'a pas caché sa tentative de soumettre le dispositif à ses caprices, tout en s'attachant à mettre la main sur le futur conseil de la magistrature. Il a formulé l'espoir de voir la Constituante presser le pas pour venir à bout de cette question. Alors que l'AMT, a-t-il indiqué, a remis à la Constituante, depuis février dernier, un projet de loi portant création et composition de ladite instance. M. Hmadi a insisté sur la portée d'un conseil supérieur de la magistrature démocratiquement élu et qui aurait à dessiner les contours et les profils des carrières professionnelles dans la transparence et l'équité requises, dans le but d'assurer les conditions favorables de la justice transitionnelle. Sur cette lancée, M. Hamdi Abbes, juge auprès du Tribunal immobilier, nous a livré une lecture critique à propos des projets de réforme en matière des conseils de la magistrature en Tunisie. Et d'admettre qu'à travers les différents projets de loi présentés à la Constituante dans ce sens, il paraît évident que le ministère de la Justice a voulu s'attribuer toutes les prérogatives, vidant l'autorité judiciaire de son essence. Il a voulu, ainsi, imposer sa tutelle et désigner des représentants du ministère au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Et de conclure : «L'on aborde, aujourd'hui, la réforme du secteur à travers de pareilles rencontres aux-quelles ont été conviés tous les groupes parlementaires dans l'ANC, ainsi que les différents acteurs du secteur judiciaire, mais personne ne s'est présenté...».