Avec 2.000 postes d'emploi directs et autant d'emplois indirects, le secteur de la fabrication de rond à béton (fer de construction) risque de s'effondrer et avec lui une bonne partie de l'économie nationale, dont les indicateurs sont déjà en berne. C'est ce qu'indiquent les représentants des différents ministères qui se sont succédé hier matin au pupitre du 93e point de presse du gouvernement provisoire. Mise à l'index, la contrebande qui s'amplifie et ronge de plus en plus l'économie tunisienne. Ibrahim Chebili, directeur des industries mécaniques, électriques et des matériaux de construction au ministère de l'Industrie, parle d'un secteur en pleine crise et révèle que certaines entreprises menacent d'ores et déjà de mettre un certain nombre de leurs employés au chômage technique. Composée de 5 entreprises dont la compagnie nationale «El Fouledh», l'industrie métallurgique a connu depuis la révolution des baisses successives de production. Ces entreprises tournent actuellement à 40% de leurs capacités réelles, conséquence d'une baisse de 50% de la production entre 2010 et 2012. Il est vrai que la barre de fer importée illicitement qui coûte de 1 à 5 dinars moins cher que l'acier tunisien attire les citoyens fatigués de la flambée des prix des matériaux de construction. Mais outre les dangers de la contrebande sur la santé économique du pays, l'acier importé de façon illicite ne porte aucune garantie qualitative, car non contrôlé à son entrée dans le pays. En effet, contrairement au rond à béton produit localement (ou importé d'une manière légale) qui est soumis à un contrôle rigoureux (tests mécaniques, tests chimiques, tests d'épaisseur), le fer issu de la contrebande reste d'origine inconnue. Concrètement, le fer de construction non contrôlé, s'il n'est pas conforme aux normes tunisiennes en vigueur, peut menacer les structures des constructions et les rendre vulnérables. De plus, sans traçabilité, il peut provenir de zones de conflits, et là, la probabilité qu'il soit fortement radioactif augmente. Chokri Derouich, directeur général au ministère du Commerce et de l'Artisanat, met en garde ceux qui s'enrichissent en mettant en péril la vie des citoyens tunisiens et rappelle que les équipes de contrôle seront dorénavant sans indulgence. Depuis la révolution, la contrebande s'est intensifiée et ravage de plus en plus de secteurs, explique le colonel Abdelaziz Katri, représentant du ministère des Finances. «Nous avons opéré des saisies de 800 tonnes de métal issu de la contrebande, dernièrement, dans les régions de GafsaKasserine et Tunis...dans un proche avenir, nous procéderons au contrôle de tous les points de vente», annonce-t-il. Le colonel Katri admet que les contrebandiers sont devenus de plus en plus organisés et utilisent même des équipements qui leur permettent de déterminer la position des patrouilles de la douane. Dépassées par le phénomène et conscientes de la difficulté de surveiller les frontières, les autorités publiques semblent miser sur la sensibilisation du citoyen, la labélisation de la production tunisienne et en dernier recours sur le contrôle des points de vente.