L'idée que les enfants non voyants sont mieux pris en charge dans écoles spécialisées a longtemps dominé. Jusqu'à l'année dernière, les élèves non voyants en Tunisie n'avaient pas le droit à une intégration normale dans une école primaire ordinaire. Cette année, une expérience pilote a été lancée dans les écoles publiques 2-Mars (Alexandre Dumas) et El Abassia à Sfax. Elle consiste à créer des classes spéciales pour les non-voyants. A l'école 2-Mars, l'année scolaire des élèves non voyants de la première année de base a démarré le 1er octobre. Un instituteur et une assistante veillent sur le bon déroulement des études pour cette catégorie d'enfants à besoins spécifiques. «L'intégration de ces élèves dans une école ordinaire est une première en Tunisie. Nous avons déjà des écoles, des collèges et des lycées spécialisés pour cette catégorie à Sousse, Tunis et Gabès. C'est une nouvelle expérience qui a été très appréciée par les parents. Cette année, plusieurs parents du gouvernorat de Sfax ne sont pas obligés de subir les conséquences morales et matérielles du déplacement de leurs enfants vers les écoles de Sousse, Tunis ou Gabès», explique Sami Dhoufli, l'instituteur de cette classe spéciale. L'école Alexandre-Dumas accueille 10 élèves non voyants de la première année de l'enseignement de base. L'école primaire El Abassia abrite des classes spéciales pour la deuxième, la troisième et la quatrième année de base. Pendant les récréations, ces élèves peuvent discuter et jouer avec les autres élèves. «Cette expérience va permettre à ces petits de se débarrasser du sentiment d'infériorité vis-à-vis des autres enfants. Nous avons remarqué que les élèves de l'école essayent de créer une bonne ambiance pour soulager ces élèves non voyants. Pendant la récréation, ils viennent à la classe spéciale pour prendre le goûter avec eux. Ils évitent de parler de l'handicap de leurs amis. Ils leurs proposent des services comme des promenades dans la cour». «D'ailleurs, soutient la responsable, nous avons remarqué qu'après une semaine, nos élèves de la classe spéciale sont plus à l'aise. Ils sortent peu à peu de leur isolement et participent aux discutions avec les autres élèves. C'est un bon signe de bonne intégration dans la vie éducative normale. Je suis très optimiste , surtout que ces enfants ont vraiment besoin à ce stade de leur vie de se sentir normaux et de s'habituer au monde des voyants». Les cours ont déjà commencé. Les élèves découvrent pour la première fois la méthode d'écriture Braille. Friel Adouni, 6 ans est une élève non voyante. Elle écoute l'instituteur avec attention. L'élève est très contente parce qu'elle a pu, pour la première fois, écrire son nom. «Je suis très heureuse. J'ai appris à écrire mon nom, alors que mes amis n'ont pas pu encore le faire. Je découvre cette méthode d'écriture pour la première fois. Je suis fascinée par cette découverte. Je suis impatiente d'apprendre beaucoup de choses ». En ce qui concerne l'école, la petite indique que ses parents sont heureux d'avoir une école proche de la maison. Pour elle, les premiers jours se sont bien passés. «Pendant les récréations, nous avons droit à des visites des élèves des autres classes. Ils nous aident à prendre le goûter», ajoute Fériel. On apprend dans ce même contexte que Sami Dhoufli est un diplômé du supérieur qui était en chômage. Cette nouvelle expérience lui a permis d'accéder au marché de l'emploi. Ainsi, l'Etat peut penser à généraliser cette expérience dans les différents établissements scolaires pour créer non seulement des postes de travail, mais pour donner également la chance aux enfants à besoins spécifiques.