A un mois de la deuxième rencontre de coopération décentralisée tuniso-française, prévue à partir du 8 novembre prochain à Monastir, un colloque préparatoire à ce rendez-vous de haut niveau s'est tenu, hier matin, à l'Hôtel de Ville de Tunis à la Kasbah, réunissant un large réseau communal venu des quatre coins du territoire national pour se pencher, pendant deux jours, sur la réalité du partenariat bilatéral et les perspectives de développement des relations de jumelage qu'entretiennent, il y a belle lurette, des municipalités locales avec leurs homologues françaises. Pour l'histoire, cette dimension de coopération communale a vu le jour au lendemain de l'indépendance, dans un contexte où la politique de voisinage nord-sud de la Méditerranée prenait, à l'époque, une approche solidaire avant d'être marquée, ces dernières années, par un nouveau langage diplomatique superflu, dicté essentiellement par des intérêts protocolaires dérisoires. Raison pour laquelle, la coopération décentralisée tuniso-française demeure, à l'échelle communale, en deçà des attentes. Ce qui pousse le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur chargé de la réforme, M. Said Mechichi, de confirmer, à l'ouverture des travaux de ce colloque, cet état de fait. Alors que 16 ans ont passé après la première rencontre similaire à Sousse, la déclaration d'intention des partenaires qui en était issue n'a pas porté ses fruits. A preuve, «les relations de jumelage ne se sont guère élevées au niveau escompté...», estime M. Mechichi. Et de rétorquer que la révolution du 14 janvier vient, à point nommé, libérer l'esprit d'initiative en matière de coopération décentralisée et faire en sorte que les collectivités locales saisissent les enjeux de l'étape pour sortir du carcan de la tutelle et s'attribuer l'autonomie de gestion. Aussi, est- il opportun d'instaurer les assises de la démocratie locale dans le cadre d'une bonne gouvernance et d'une approche participative de développement régional. L'urgence d'une autocritique Et partant, la réconciliation avec une municipalité proche du citoyen, entièrement disposée à son service, constamment à l'écoute de ses soucis quotidiens, à savoir la propreté, les plans d'aménagement communaux et l'urbanisme des villes, loin de toute forme d'anarchie. Bref, les atouts d'un périmètre municipal, où il fait bon vivre. Cette vraie responsabilité qui doit se faire ressentir au quotidien n'a jamais été mise en échec comme aujourd'hui. Il suffit, ainsi, de se souvenir de l'état de nos rues et quartiers après la révolution pour reconnaître la situation chaotique dans laquelle sombre la municipalité tunisienne. D'où il est grand temps de rectifier le tir et s'engager pleinement sur la bonne voie, d'autant que les collectivités locales, comme l'a fait remarquer le secrétaire d'Etat, constituent bel et bien les cellules de base pour l'exercice démocratique à l'échelle des communes, tout en agissant dans la mouvance politique et socio-culturelle du pays. Pis encore, la Fédération nationale des villes tunisiennes, partie prenante dans l'organisation dudit colloque, conjointement avec le centre de formation et d'appui à la décentralisation, n'était pas, elle aussi, à la hauteur des objectifs pour lesquels elle a été fondée en 1973. Ceux-ci consistent essentiellement à jouer d'intermédiaire pour coordonner les relations entre les municipalités, leurs autorités de tutelle et les autres pouvoirs publics, l'appui à l'action municipale, le renforcement des relations de coopération intercommunales. C'est, là un rôle capital qui aurait dû être catalyseur du développement régional, s'il avait trouvé les bonnes volontés politiques et l'assistance requise de l'Etat. C'est ce qu'a, d'ailleurs, reconnu son président M. Seifeddine Lasram dans son intervention focalisée sur le rôle de ladite fédération dans l'impulsion du rythme de la coopération internationale décentralisée, soulignant qu'elle ne ménage aucun effort, depuis sa création, pour établir les ponts de coopération avec ses homologues étrangères, dont notamment l'Association internationale des maires francophones, Cités Unies France, VNG des Pays-Bas et GIZ de l'Allemagne. « Aujourd'hui que nous vivons une étape démocratique transitoire..., tous sont appelés à soutenir l'adhésion de la fédération dans une démarche de concrétisation des objectifs et programmes qui répondent aux aspirations et attentes des villes et ses habitants... », interpelle-t-il. Afin d'y parvenir, il a recommandé de défricher, via la nouvelle Constitution, les pistes de la décentralisation dans l'action municipale. Gouvernance démocratique Il est également question de consacrer l'autonomie des collectivités locales et de promouvoir des relations horizontales à l'égard de l'administration centrale. A l'en croire, le rendez-vous de Monastir aura pour ordre du jour la gouvernance démocratique locale et son rapport avec la société civile et la jeunesse, ainsi que la politique de partenariat à promouvoir. Le tout pour mieux booster la coopération décentralisée au profit de l'action communale et de développement régional. Pour le bien-être du citoyen, là où il se trouve, sans exclusion aucune. Coopération décentralisée tuniso-française, quelle réalité et quelles perspectives ? Une question phare à laquelle viennent de répondre, lors d'une intervention en deux parties, MM. Bouraoui El Aouni et Saber Houchati, respectivement chargé de la direction générale des relations extérieures et directeur du développement municipal à la direction générale des collectivités locales. Dans un aperçu historique donné à l'occasion, le concept de coopération décentralisée en Tunisie remonte à un passé lointain, avec la naissance d'un premier jumelage au niveau communal en 1964, puis en 1989 sur le plan régional. Sans se référer au cadre juridique, l'approche tunisienne en la matière tirait son essence de la promotion des relations diplomatiques et de l'ancrage de la décentralisation démocratique locale pour réaliser le développement régional. Deux piliers fédérateurs pour tisser un réseau de coopération tuniso-français aboutissant en tout à 153 conventions et jumelages avec 150 communes étrangères, européennes (103), arabes (34), africaines (5) et américano-asiatiques (11). Et pourtant, selon M. El Aouni, toutes ces relations intercommunales des deux pays n'ont jamais reflété le vrai sens d'une coopération effective basée sur le concept des projets et programmes. Mais plutôt «des relations de coopération bilatérale qui se limitaient à un échange de visites protocolaires ne permettant pas l'intervention des acteurs agissants, que ce soit à l'échelle de la ville ou celle de la région... », a-t-il encore affirmé. Il fallait un véritable engagement personnel libre et efficace pour donner au principe de la décentralisation toutes ses raisons d'être.