Par Adel Escheikh Les négociations salariales actuellement en cours entre les enseignants technologues représentés au sein de la Fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Fgesrs) et le ministère de l'Enseignement supérieur ont atteint une phase délicate qui sera déterminante pour l'avenir de ces enseignants , celui de l'enseignement technologique et de la recherche appliquée dans les Iset. Il s'agit des négociations de la dernière chance pour réparer les injustices répétées à l'égard des enseignants technologues, titulaires de la plus faible augmentation triennale de la fonction publique, tous corps confondus. De ce fait, le problème s'avère être en effet assez complexe: d'une part, les négociations conduites par la Fgesrs ne peuvent être faites sans égard aux augmentations allouées à leurs homologues chercheurs et d'autre part, les enseignants technologues réclament, à juste titre, une indemnisation du préjudice subi par le corps technologue tout au long de 15 ans de l'ère dictatoriale pendant lesquels leur pouvoir d'achat a fait l'objet d'un lynchage méthodique et organisé. Pour revenir à l'origine du problème, faut-il préciser que les enseignants technologues étaient soumis à un système de rémunération à double échelle, confondant assistants technologues et assistants chercheurs d'un côté et liant les grades supérieurs (technologue, maître technologue et professeur technologue ) aux agrégés de l'enseignement secondaire, de l'autre. Par ce système machiavélique, ces grades se voyaient allouer, par contumace, des augmentations négociées par des confrères qui n'existaient même pas dans les structures syndicales de l'enseignement secondaire ! Ce n'est qu'en 2002, après les remous qui ont secoué les Iset en 2001 et la révision des statuts qui a coupé le cordon artificiel avec les agrégés et revalorisé les conditions d'accès au corps, que ces augmentations ont pu être révisées. Cela dit, c'était sans compter avec l'acharnement de l'administration qui, au lieu d'indexer l'ensemble des grades sur l'enseignement supérieur, a jugé bon de rétrograder l'assistant technologue en deçà même des enseignants du secondaire (fait unique dans les annales de la fonction publique) au mépris des règles de droit, des usages administratifs et du principe de l'avantage acquis. Pour garder un semblant de cohérence, celle-ci a créé une pseudo-progressivité entre les autres grades (1,6D entre les grades supérieurs !) provoquant de la sorte un tassement des salaires, tuant toute velléité d'évolution et de promotion entre les grades. Cette «aberration», étant devenue la règle pour les négociations suivantes, a permis, par récurrence, de continuer la supercherie jusqu'en 2011. Le corps des enseignants technologues a continué à subir une révision salariale sans aucune relation avec le niveau scientifique des enseignants ou avec l'effort d'enseignement, d'encadrement et de recherche qui lui est exigé. Malgré les multiples recours et luttes syndicales, ces abus se sont poursuivis, la centrale syndicale négociant les augmentations en bloc avec le gouvernement. Maintenant que la négociation se fait directement avec le ministère de tutelle, les responsables du ministère auront à négocier avec un corps professoral qui a été le pionnier du renouveau de l'université tunisienne pendant la dernière décade(enseignement à distance, co-constructions de diplômes, ouverture sur le monde professionnel, pôle de compétence technologique, programme d'amélioration qualité..). Les syndicats de base des technologues y voient l'occasion ultime de remettre les pendules à l'heure et freiner la dégradation d'une situation matérielle devenue intolérable (écarts cumulés avec les homologues chercheurs variant entre 279 et 643 D). Au delà de la pression des syndicats, la volonté des nouveaux responsables du ministère fait l'objet d'un double test : celui de l'engagement éthiqu et de justice d'un gouvernement post-révolution, et celui du degré de valorisation de la technologie dans le système d'enseignement supérieur. Au-delà des taux et des chiffres, c'est une reconnaissance des efforts et des sacrifices consentis depuis plus de dix ans que les enseignants technologues réclament. Une reconnaissance qui permettrait une réhabilitation matérielle et sociale qui éviterait une hémorragie qui n'a que trop duré.