En juillet dernier, les affiliés au régime des pensions de retraite de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale ont eu la surprise de constater une réduction dans leur pension mensuelle, « sans avis préalable». La concordance de la baisse des pensions avec un contexte général d'altération du pouvoir d'achat a engendré la colère des retraités touchés par cette mesure incomprise. Du côté de la Cnrps, l'étonnement n'a pas lieu d'être, puisque cette baisse est légale et surtout prévue depuis 2007, en vertu de la loi n°43 du 25 juin 2007. Rétrospective. Le système public des retraites de la Cnrps affiche de manière périodique, depuis les années 90, un déficit financier chronique que la caisse a tenté, à maintes reprises, de combler par des mesures urgentes et d'autres structurelles, afin de respecter ses engagements à l'égard de ses affiliés. Parmi ces mesures, les augmentations successives du taux des cotisations à la charge des employés et des employeurs, respectivement en 1994, 2002 et 2006 ; puis, l'introduction de la retenue sur toute augmentation décidée dans le secteur public. Cette retenue a été imposée dans un premier temps sur une période de 36 mois (à la charge de l'employeur et du retraité) puis à vie, seulement pour le retraité. Cette décision est devenue applicable depuis juillet 2010, soit 36 mois après la promulgation de la loi n°43 du 25 juin 2007, instituant le cadre légal de cette nouvelle retenue. Décision impopulaire Cette décision jugée impopulaire concerne 45% des affiliés de la Cnrps, soit 247000 retraités sur 700 000 affiliés. En 2010, la retenue sur la retraite est comprise entre 2 et 4 dinars pour 45% des retraités, entre 4 et 6 dinars pour 0,4% des retraités et entre 16 et 18 dinars pour le reste. En 2011, la nouvelle retenue est fixée entre 0 et 3 dinars pour 92% des retraités, entre 3 et 6 dinars pour 7% des pensionnés et entre 21 et 24% pour le reste. En 2012, l'intervalle de la retenue est compris entre 0 et 3 dinars pour 77% des pensionnés, entre 5 et 10 dinars pour 19% des pensionnés et à 80 dinars pour les retraités relevant des régimes spéciaux (membres du gouvernement, gouverneurs et députés). La question qui se pose est de savoir pourquoi les retraités protestent en 2012 alors que la mesure est appliquée depuis 2010 ? «La coupure est passée inaperçue en 2010 et 2011en raison des augmentations décidées au profit du secteur public et celle du SMIG ; ce n'est pas le cas pour 2012», explique M. Ali Ben Salah, directeur central chargé des pensions à la Cnrps, au cours d'une rencontre organisée par le bureau local des retraités d'El Menzah 6. Le responsable de la Cnrps a été convié par le président de l'association, M. Abdelaziz Lahmar, à la demande des adhérents, inquiets, pour comprendre le pourquoi et le comment de cette baisse des pensions. L'inquiétude de certains de ces pensionnés, venus nombreux au siège de «Dar El Osra», s'explique par le fait que le montant de leur retraite est très modeste, entre 300 et 500 dinars, et que la plupart d'entre eux souffrent d'affections chroniques nécessitant la prise régulière de médicaments. «La caisse fait face à un déséquilibre financier qui va s'accentuer avec l'augmentation du nombre des retraités et la diminution des actifs, la prise de décisions impopulaires est parfois inévitable», indique M. Ben Salah. A noter, en effet, qu'actuellement, on compte en Tunisie 2,5 actifs pour un retraité contre 4 actifs au début des années 90. Par ailleurs, 10% de la population ont plus de 60 ans ; ils seront 23% en 2030. Ne fallait-il pas patienter et attendre de meilleurs jours pour passer à l'application de la loi n°43 de 2007? «La Cnrps a fait cette proposition à l'Assemblée nationale constituante, mais elle a été rejetée», affirme le responsable. La situation financière de la Cnrps est effectivement difficile, et elle risque même d'empirer, indiquait à La Presse M. Sayed Blal, PDG de la Cnrps, lors d'une rencontre au mois de mai dernier. De 87 MD en 2010, le déficit est passé à environ 100 MD en 2011. La question du déficit de la sécurité sociale n'est pas propre à la Tunisie, elle est mondiale, mais cela n'exclut pas l'urgence d'y répondre par des solutions efficaces. La diversification des sources de financement de la caisse est une des nombreuses solutions possibles, en attendant la grande réforme des régimes de retraite, dont on a beaucoup entendu parler et qui est aujourd'hui en stand-by.