La révolution a ouvert la voie aux marginalisés pour se positionner désormais dans le paysage national et s'intégrer dans la vie publique dans un esprit d'inclusion inconditionnée. Certes, l'intégration de la femme tunisienne dans la vie publique n'avait rien d'un scoop, étant donné que le développement qu'a réalisé le pays jusque-là revient en grande partie à la participation de la femme au parcours socioéconomique et culturel. Toutefois, la contribution féminine à la vie politique était jusque-là bien en decà de son mérite. La rupture avec la dictature et avec les différentes formes de discrimination a donné à la participation de la femme dans la vie politique et publique un souffle nouveau, encore plus imposant. L'expérience tunisienne de l'alternance a été, en effet, marquée par la présence féminine aux deux niveaux, à savoir celui populaire, de masse et celui politique. Lors des travaux de la conférence internationale sur la participation de la femme dans la vie publique, politique et à la prise de décision, le regard a été axé sur ce contexte politique nouveau, offrant plus d'opportunités à la gent féminine pour embrasser la vie politique et mettre, enfin, le pied à l'étrier. Le Dr Dorra Mahfoudh Draoui, sociologue et experte en genre, a fait un zoom analytique sur la participation de la femme aux évènements du 14 janvier, ainsi qu'aux élections du 23 octobre 2011, jugées comme les premières élections transparentes et démocratiques dans l'histoire de notre pays. En effet, rappelons-nous de l'organisation, par les femmes, de la première manifestation pour la liberté, effectuée le 29 janvier 2011 et ayant pour slogan: «La marche des femmes contre la violence, la pauvreté et les discriminations sociales et régionales». Cette manifestation dénote le souci de la femme tunisienne des questions fondamentales de la société et son intérêt accru pour la résolution des problèmes jusque-là récalcitrants. Outre sa présence significative dans les différentes manifestations et sit-in, la femme tunisienne a représenté 25% de la Haute instance, cet organisme provisoire qui compte trois commissions indépendantes et spécialisées. La présence de la femme dans le premier scrutin démocratique en Tunisie a été appuyée par l'article 16 du décret- loi en date du 10 mai 2011 et qui implique la parité entre hommes et femmes dans les listes électorales. Par ailleurs, la levée des réserves sur la Cedaw a traduit une nette volonté de promouvoir davantage les droits de la femme. La femme a-t-elle répondu «présente» aux élections démocratiques? Affirmatif. Les indicateurs montrent, en effet, une importante participation féminine aux élections tant au niveau du vote qu'au niveau des candidatures. Toujours selon les chiffres avancés par le Dr. Mahfoudh, la participation féminine au niveau de l'inscription aux élections s'élève à 45%, «ce qui n'est pas très loin de la parité», note le sociologue. Mieux encore: il est de 50% pour les femmes âgées entre 18 et 25 ans, ce qui reflète la prédisposition de la jeune femme tunisienne à embrasser un domaine considéré comme masculin par excellence. «Les femmes post-révolutionnaires s'intéressent à la politique beaucoup plus qu'avant. Elles suivent de près les infos, les débats et discutent de la situation politique. Actuellement, 65% des femmes s'intéressent à la politique contre 86% des hommes», indique le sociologue. Pourtant, 49,9% des femmes affirment ne pas avoir de connaissance dans ce domaine, contre seulement 22,8% des hommes. D'autant plus que 36,3% des femmes avouent trouver la politique difficile à comprendre. D'un autre côté et en ce qui concerne la participation effective des femmes aux élections, les chiffres montrent qu'elles étaient au nombre de 5.502 à se porter candidates au scrutin. Il est également intéressant de souligner que les listes électorales présidées par les femmes étaient de l'ordre de 128 dont 85 relevant de partis et 43 listes indépendantes. La femme post-révolutionnaire compte, par ailleurs, 27% de la Constituante, 13% de l'Isie. Elle représente 7% des têtes de liste électorales, 6% des dirigeants de partis politiques et 24% de l'ANC. La mentalité sexiste persiste Cette présence, quoique importante dans l'histoire de la femme tunisienne, n'est point dépourvue de lacunes d'ordre culturel. La mentalité sexiste persiste, en effet, favorisée qu'elle est par certains contextes sociogéographiques ou culturels. Malgré l'article 16 du décret-loi en date du 10 mai 2011, aucune liste électorale présidée par une femme n'a été enregistrée dans les gouvernorats de Jendouba, de Kairouan, de Kébili et de Sidi Bouzid. Le sociologue a recensé certains témoignages auprès de femmes candidates aux élections. Ces dernières ont avoué avoir reçu des réactions masculines ségrégationnistes du genre: «Une fois au pouvoir, la femme devient terrible» ou encore «Il faudrait me payer pour que je vote pour toi». Pis encore, des pratiques sexistes sont décelées au sein du leadership politique, comme le contrôle excessif effectué sur la vie des femmes politiques ou encore l'absence de socialisation politique de la femme dans les institutions universitaires. Il est important de noter, par ailleurs, que la prédisposition de la femme à la vie politique nécessite plus de moyens d'encouragement et de formation afin que les femmes tunisiennes acquièrent davantage de compétence et de confiance en soi.