La Tunisie vient de perdre un des pionniers de la réalisation télévisée, Abderrazak Hammami, décédé à l'âge de 77 ans. Première dramatique TV La télévision nationale a commencé à diffuser ses programmes le 31 mai 1966, et c'est à Abderrazak Hammami qu'échut l'honneur et tout à la fois la lourde responsabilité de réaliser la première dramatique télévisée Zawbaâ fi fengène (Une tempête dans un verre d'eau) d'après une œuvre de Ali Douagi. Dès le début des diffusions, notre bonhomme a été chargé d'encadrer et de former un groupe de jeunes réalisateurs. Hammami venait alors de débarquer de France où il fréquenta de 1957 à 1960 l'Ecole supérieure d'art dramatique de Strasbourg. Car, il faut rappeler que celui qui allait se spécialiser dans la réalisation des dramatiques et des feuilletons avait eu à ses débuts une carrière de comédien de théâtre et d'acteur de cinéma. Entre 1960 et 1963, le natif de Kairouan, le 13 octobre 1935, a servi d'assistant à J.M. Serrault et joua aux côtés de noms aussi illustres que l'Egyptien Gamil Ratib. Deux ans durant, il suivit à l'Ortf (la télévision publique française) un stage réservé aux réalisateurs. Découvertes en chaîne Ayant le flair, intelligent et très inspiré, Hammami lança dans le grand bain un bon nombre de jeunes comédiens. Entourant de sa patiente sollicitude ces révélations, il fit par exemple de Mohamed Ben Ali tour à tour l'increvable curieux qui se mêle de ce qui ne le regarde pas dans la série Haj Klouf, puis le benêt aux frontières de la bêtise dans Ommi Traki. Sous sa direction, Abdessalem El Bech se transforma en une dame dans Amiti Aïcha rajel. Par ailleurs, Salah El Mehdi, Mohamed El Hédi, Hassen Khalsi et bien d'autres vedettes du théâtre travaillèrent sous la direction de ce grand réalisateur à l'humour toujours présent. Tous les genres télévisés L'histoire retiendra que Abderrazak Hammami a été le réalisateur le plus prolifique en matière de feuilletons et de séries télévisées. On en retiendra surtout les titres suivants : De 1968 à 1970, il a réalisé 40 volets de la série Oumi Traki de Mohamed Hammami et Naceur Ben Jaâfar avec l'interprétation de Zohra Faïza, Mohamed Ben Ali et Salah Mehdi. 1971 : 30 volets de Haj Klouf de l'écrivain Ahmed Kheïreddine. 1972 : Sarra, feuilleton en 15 volets, interprété par Chafia Rochdy, d'après une œuvre de l'écrivain Mohamed Hammami. 1973 : Donia wa Abdou, feuilleton de 60 épisodes, de Mohamed Hammami, interprété par Hassen Khalsi. 1974 : Khaled Ibn El Walid, feuilleton du genre historique en 13 épisodes, écrit par Laroussi Métoui et Abdelkrim Marak, joué par Ben Jeddou. 1975 : Al Imam Sahnoun feuilleton en 4 épisodes de Laroussi Métoui et Abdelkrim Marak, interprété par Jamil El Joudi. 1976 : Mawakef islamia. 1977 : Azawrak essaghir (La petite barque), feuilleton de 13 épisodes, écrit par Mohamed Hammami et joué par Moncef Lazaâr, Balkis et Sabra Mohamed. 1980 : Hikaya maâ rimel Mon histoire avec le sable, feuilleton de 15 épisodes, écrit par Mohamed Hammami et interprété par Moncef Lazaâr et Balkis. 1993-94 : Masrah El mojtamaâ, série tv de 30 épisodes. 1995 (Edhak lédonia) (Souris à la vie), série humoristique de 30 épisodes de Tahar Fazaa, interprétée par Mouna Noureddine et Abdelméjid Lakhal. Ajoutez à ces productions TV Mahkama wa baad (Tribunal et après) où l'auteur Mohamed Hammami, qui était en même temps l'attaché de cabinet du ministre de la Justice, portait à la télévision des histoires véridiques qu'il recueillait dans les salles du «Palais de Justice. Cela se passait entre 1980 et 1985. Et ce n'était pas tout car le grand réalisateur s'intéressa également au genre policier, par le biais de la série à suspense «Ibhath maâna» (Enquêtez avec nous) produite en 30 épisodes et présentée par Salah Jegham. Le suspense y atteignait des degrés inimaginables et le téléspectateur était convié à débusquer le criminel et à participer par téléphone à l'émission à laquelle assistait un public de grands mordus de thrillers. Documentaires Les dons éclectiques de Abderrazak Hammami le portèrent à signer la réalisation de bon nombre de documentaires tels que (Al jalaa) «L'évacuation» en 1966, (Adhahïa), «La victime» en 1967 — (Daghbaji) en 1968 — «Corée du Sud en 1979» — «Emirats Arabes Unis» en 1980 — Voyage d'Ulysse à Jerba en 1983 — (Béïna al oustoura wel hakika) Entre la légende et la réalité de 1990 à 1993. En dehors de la télévision tunisienne, Abderrazak Hammami collabora dans une co-production tuniso-française, l'émission — Mosaïques — qui mettait en relief les plus belles régions et villes de la Tunisie, présentant également les voix inoubliables de notre chanson. Abderrazak réalisa pour la chaîne ART (Al hal beïn yadaïk) («La solution est entre vos mains), une émission de jeux et de concours. Il assura également la couverture des festivités marquant le millénaire de la ville du Caire et enregistra un concert public de la diva de la chanson arabe Oûm Kalthoum qui y interpréta Essaal rouhek, musique de Mohamed El Mougui et Akbala éleïl de Ryadh Sombati. Il participa à la couverture des Jeux méditerranéens 1993 au Maroc, des Jeux africains d'Alger en 1977 et du Festival de la Harpe d'or de Berlin. Bref, un parcours inégalable et une admirable générosité dans la création et la découverte de tous les genres télévisés. Il serait en fait hasardeux de chercher à découvrir un tel dinosauree de la réalisation pour la TV qui a représenté toute sa vie, sa grande passion.