Par Amin BEN KHALED On a retrouvé Chloé Rodriguez saine et sauve le vendredi 16 novembre. Il s'agit d'une très bonne nouvelle dans ce monde ravagé par les ouragans, les guerres et la famine. Car Chloé Rodriguez, belle jeune fille âgée de 15 ans, a été portée disparue depuis quelques jours en France. Tout le monde a pensé au pire : le kidnapping des enfants, et les crimes qui s'ensuivent ne sont malheureusement pas une légende urbaine en Europe. Ils constituent sans doute l'un des fléaux les plus graves qui frappe le vieux continent depuis des décennies. On a donc retrouvé Chloé Rodriguez saine et sauve en Allemagne dans le coffre d'une voiture. Mais peu importe, elle se porte bien, mieux encore, les médecins ont conclu qu'elle n' avait pas subi d'agressions sexuelles. Dans la foulée, une cellule de crise composée d'éminents psychologues a été créée pour prendre en charge l'enfant et la réconforter. L'affaire fait la une des médias français et européens depuis des jours. On a interviewé les parents, on a fait des micros-trottoirs pour entendre l'avis des passants, on a fait appel à des profileurs pour expliquer le mode de fonctionnement des prédateurs sexuels, on a entendu des juristes expliquant les failles du système pénal français, on a invité des politiciens pour exprimer leur soulagement et faire une louange sincère aux policiers et à la manière dont l'enquête a été faite, même si Chloé Rodriguez a été retrouvée grâce à un heureux concours de circonstances... «On a retrouvé Chloé Rodriguez saine et sauve» est la phrase qui revient comme un leitmotiv dans les médias européens à telle enseigne que ces médias ont oublié de parler, ne serait-ce que pour l'espace de quelques secondes, des enfants de Gaza déchiquetées entre-temps par les bombardements israéliens. Car la médiatisation outrancière de l'affaire Chloé Rodrigez cache un terrible non-dit : «il ne se passe rien à Gaza», ou «les enfants de Gaza ne nous concernent pas, ils ne sont pas des Chloé Rodriguez». Comment l'Europe peut-elle se prévaloir de l'universel si elle demeure prisonnière du particulier et de l'épiphénomène ? Gaza. Est-ce un non-lieu ? Ses enfants, des non-êtres ? Le regard de Chloé Rodriguez est-il plus angélique, plus innocent que celui de Khadija, cette jeune Palestinienne de 15 ans qui sort des décombres pour prendre la route de l'école et qui apparaît comme un point vert (ou comme un ver de terre) dans le viseur des chasseurs bombardiers israéliens ? Ou est-ce que parce que les jeunes filles palestiniennes ne s'appellent pas Chloé ? Car Chloé, dans son sens étymologique, veut dire l'herbe verdoyante naissante. Or, il se trouve que dans les ruines de Gaza contaminées par le soufre, une telle herbe ne peut pas voir le jour...