Alors que la Tunisie peine encore à restructurer ses terres domaniales, des milliers d'hectares demeurent à l'abandon. Ces terres représentent pourtant 1,7% des terres cultivées et contribuent à hauteur de 2,9% de la production agricole. Mais les autorités concernées opèrent à un rythme d'escargot bien que notre sécurité alimentaire soit tributaire de ce secteur Il faut dire que la sécurité alimentaire englobe plusieurs secteurs. Il y a lieu de focaliser l'intérêt sur le secteur des céréales, compte tenu de notre incapacité à assurer l'autosuffisance en la matière ainsi que la croissance accrue des cours sur le marché international. D'après l'indice mensuel des prix des céréales de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les prix des céréales ont culminé en avril 2008 avec un indice atteignant 274. Ces prix ont, par la suite, brusquement chuté à la fin de 2008 avec un indice réduit à 151 en juin 2010, avant de rebondir à nouveau à 265 en avril 2011. La volatilité des prix semble être désormais durable, à cause des changements climatiques et des coûts de production, de la spéculation accrue sur les produits de base et de l'instabilité du taux de change. En tout état de cause, les pays les plus vulnérables, face à ces profondes mutations que connaît le secteur des céréales dans le monde, sont les pays arabes, sachant que leur autosuffisance dépend étroitement des importations. Dans cet ordre d'idées, il faut dire que les importations annuelles moyennes de la Tunisie entre 2006 et 2010, sont estimées à environ 990 600 tonnes de blé tendre et à 459 mille tonnes de blé dur. Autrement dit, le niveau de dépendance aux importations du pays a été en moyenne d'environ 32% de ses besoins en blé dur (taux en augmentation depuis plus de 6 ans) et de 81% en blé tendre (taux stable depuis 6 ans). Soit 54% pour les deux catégories de blé. De là, la gestion d'un volume d'importation estimé à plus de 1,45 million de tonnes par an semble être une préoccupation majeure et un défi à relever pour un pays comme la Tunisie. Un pays dont la production céréalière, durant ces vingt dernières années (à l'exception de 2003), n'est parvenue à assurer l'autosuffisance ni en blé dur, ni en blé tendre. Toujours est-il que les besoins pour ce qui est du stockage pour l'ensemble des céréales (alimentation humaine et animale) sont estimés à 3,3 millions de tonnes, y compris un stock stratégique pour une durée de 3 mois. Or, ce qui est actuellement couvert est à 89%, à travers une exploitation optimale des facilités existantes de l'Office des céréales (33%), des deux sociétés coopératives (32%) et des opérateurs privés (35%). Ces derniers sont répartis entre silos de replis avec trois rotations (55%), silos de meunerie avec quatre rotations (33%) et silos de collecte avec une rotation (12%). Une dépendance grave On parle de bien de stratégies visant l'amélioration de la production céréalière en Tunisie. Dans cette optique, il convient de revenir, en premier lieu, sur la stratégie 2010-2014 visant une augmentation de la productivité par hectare. L'objectif est d'atteindre une production de 2,7 millions de tonnes à l'horizon 2014. Ce qui se traduit par une autosuffisance de 100% en blé dur et de 30% en blé tendre, soit un taux combiné de 65% pour les deux catégories de blé. Par rapport à la moyenne sur la période 2006-2010, la dépendance aux importations serait réduite à un niveau de 35% représentant une amélioration appréciable par rapport à celui de 46% pour la période 2006-2010. On parle également d'interventions à court terme (2012-2013). Ces interventions consistent à renforcer les capacités et les dotations budgétaires de l'Institut national de grandes cultures (Ingc) et l'Office de l'élevage et de pâturage (OEP). Et ce, pour étendre leurs expériences pilotes récentes prometteuses en matière d'encadrement technique et d'accompagnement opérationnel de haut niveau au profit des agriculteurs et éleveurs pour lever des contraintes spécifiques à la productivité. L'Ingc interviendra spécifiquement dans l'utilisation des semences améliorées pour des variétés à haut rendement, dans la gestion de la fertilisation, la santé des cultures, l'irrigation d'appoint et la diversification des assolements à travers 16 exploitations expérimentales et pédagogiques. Une stratégie à moyen et à long terme (2011-2030) a également été élaborée. Mais serait-ce suffisant d'élaborer des stratégies d'ordre théorique pour remédier à la vulnérabilité de l'économie nationale face à la flambée des prix internationaux des céréales ? Ne serait-il pas plus utile pour nous de récupérer le manque à gagner dont souffrent le secteur agricole en général et la production céréalière en particulier ? La plupart des terres domaniales sont inexploitées, les puits ne sont pas toujours électrifiés, surtout dans les régions du Centre et l'encadrement des agriculteurs est en-deçà du niveau escompté. Se prémunir contre les aléas d'un monde en pleine ébullition et à l'avenir incertain supposerait d'atteindre un niveau respectable en matière de sécurité alimentaire. Un objectif qui doit être travaillé à la base, bien évidemment.