L'exercice délicat des quatre mains avait l'air d'être pour eux un jeu d'enfant, tant leur complicité et leur complémentarité étaient évidentes, respirant d'un même souffle, portés par des sensations communes. L'association caritative «Rotary Club Tunis» peut doublement se féliciter, d'abord pour avoir invité deux solistes exceptionnels pour animer le récital de piano à quatre mains au Théâtre de la ville de Tunis, ensuite parce qu'il y a eu quand même des recettes (ce genre de spectacles n'attire pas encore la grande foule) qui seront consacrées à ses œuvres sociales et humanitaires, plus précisément à la participation au financement d'un projet qui améliorera le dépistage précoce du cancer du sein, au profit des femmes dont les conditions socioéconomiques sont modestes. Motivés autant par l'affiche que par cette belle initiative, les mélomanes se sont ainsi donné rendez-vous à la Bonbonnière, dont ils ont rempli juste la moitié des sièges, avant la montée sur scène de Bassem Makni et Mehdi Trabelsi. Côte à côte, ces deux virtuoses du piano, enseignants à l'Institut supérieur de musique de Tunis et solistes qui comptent plusieurs récitals dans des manifestations en Tunisie et à l'étranger, recueillent d'emblée les applaudissements avant que le silence attentif ne couvre l'enceinte. Le programme du concert, agencé avec intelligence, comprenait des œuvres références du grand classique et où étaient intercalées les magnifiques «danses hongroises» de Brahms, «Rhapsodie hongroise n°2» de Liszt et une œuvre plus récente de G. Gershwin, «Rhapsody in Blue». D'entrée de jeu, Bassem Makni donnait le ton de la soirée, en entraînant son complice dans la passionnante «Symphonie n°40» de Wolfgang Amadeus Mozart. Une partition riche en contrastes dont la fraîcheur et l'expressivité allaient comme un gant à ces deux musiciens dont l'exécution est venue fluide, lumineuse et de haute facture technique. Du saisissant, un peu plus même. Le duo s'est ainsi distingué par des interventions subtiles, dégageant des notes feutrées. Il nous a délivré des phrases musicales précises à fleur de clavier, réussissant un formidable équilibre sonore, une lecture musicale empreinte d'un grand lyrisme. Cette belle complicité, installée entre les deux pianistes et leurs quatre mains ailées, s'est poursuivie dans le «Carnaval des animaux» de Saint Saëns. Une composition très riche, à travers laquelle les solistes ont pu exprimer pleinement leur sensibilité, peignant de superbes palettes de couleurs abstraites et évanescentes. L'exercice délicat des quatre mains avait l'air d'être pour eux un jeu d'enfant, tant leur complicité et leur complémentarité étaient évidentes, respirant d'un même souffle, portés par des sensations communes. Aussi, n'étaient-ils pas uniquement connivents, ils jouaient d'une seule et même voix. Cette entente quasi fraternelle, témoignant des heures passées ensemble au piano a conféré à leur interprétation une dimension de solidité surprenante.