A bien des égards, la soirée de l'Octobre musical d'avant-hier était réussie, grâce aussi à une acoustique impeccable —on l'a relevé, depuis le coup d'envoi de ces journées— qui a su bien rendre les jeux des deux talentueux musiciens, que les convives ont eu l'occasion de rencontrer à l'Acropolium de Carthage. Deux autres raisons qui ont fait que le déplacement en ait valu la chandelle. La première est que l'un des instrumentistes est tunisien et bourré de talent; la deuxième est que les deux musiciens, réunis ensemble, forment un exceptionnel duo. Le Tunisien est Nidhal Jebali qui, déjà petit, était passionné de musique, ses parents ne tardent pas à remarquer cela et l'inscrivent au conservatoire de Hafedh Makni, son premier professeur de violon. Repris par la suite par Hichem Makni, le petit élève en profite pour améliorer sa technicité. Il effectue une série de stages en Tunisie et à l'étranger. En France, il travaille avec Olivier Charlier (2005), en Belgique avec Daniel Rubenstein (2007, 2008) et aux Etats-Unis (2006, 2007, 2008) avec Mimi Zweig, Sarah Kapustin and Rothestein, Austin Hartman et Jason Calloway. C'est à l'âge de sept ans, qu'il monte, pour la première fois, sur scène avec l'orchestre symphonique scolaire et universitaire chapeauté par Hafedh Makni. Depuis, il a fait du chemin et la scène n'a plus eu de secret pour lui, ni les concertos des grands Mozart, Saint-Saëns, Brouch, Beethoven, et autres sonates de César Frank qui animent l'archet de son violon. Aussi, était-il dans la logique des choses qu'il soit l'invité de cette 18e édition de l'Octobre musical avec un autre merveilleux interprète, le pianiste américain Kimball Gallagher. Après s'être produit à guichets fermés au Carnegie Hall en 2008, cet artiste entame une tournée internationale avec pas moins de 88 spectacles prévus dans différents espaces privés. Une tournée qui aboutira en 2013, au concert de la célébration au Carnegie Hall à la ville de New York, nous apprend-on. Le programme que ce duo nous a proposé était varié. Il a commencé par une sonate de Claude Debussy, le temps de réchauffer les cœurs, avant de passer à plus intimiste : Métamorphose, une création que Nidhal Jebali a écrite lors de sa première année universitaire à la prestigieuse Indiana University Jacobs School of Music, qui met en dialogue les deux motifs musicaux (un stable et un autre changeant) qui la constituent, comme nous l'explique ce dernier. Le dialogue était surtout perçu entre les délicates notes de piano insufflées par les mains du talentueux Américain et les coups d'archet, tantôt légers et subtils, tantôt prononcés du virtuose tunisien. La suite s'est faite avec une saisissante interprétation d'une sonate de César Frank, professeur, organiste et compositeur d'origine belge, naturalisé français, l'une des grandes figures de la vie musicale française de la seconde partie du XIXe siècle, pour finir sur un thème original varié de Wieniawski (violoniste et compositeur polonais du XIXe siècle). Ce que l'oreille et l'esprit garderont de cette soirée, c'est la précision de l'interprétation des deux musiciens et surtout cette passion du geste dont a fait preuve Nidhal Jebali qu'on applaudit chaleureusement.