Jouée la plupart du temps en situations circulaires, la pièce Ness suit, malgré tout, une logique évolutive, son intérêt est, d'ailleurs, de faire valoir cette voix de la raison (incarnée par le personnage de Diba). Une critique satirique des abus de l'ancien régime, ainsi que ceux de l'actuel... Le texte de Ness est bien écrit, bien joué aussi; il parle du passé, du présent et même du futur. La nouvelle création théâtrale intitulée Ness (gens), texte de Walid Daghsni et mise en scène de Nizar Saïdi a été donnée en avant-première, jeudi dernier, au 4e Art à Tunis. Cette pièce, d'une heure trente, met en relief les affres de la corruption dans la société tunisienne, dans une mise en scène parfaitement maîtrisée et une interprétation de bonne facture. Une vision particulière du metteur en scène, avec une approche didactique nous a été exposée par une mise en place de neuf personnages dont le nom, l'âge et la catégorie sociale sont représentatifs d'une réalité souvent amère. La pièce s'ouvre, d'ailleurs, dans un noir et une immobilité fort suggestifs, accentués par un fond musical lent et mélancolique. Un homme assez âgé entre en scène, les pas lourds, ponctuant déjà le rythme de la pièce et nous jetant d'emblée au cœur de la thématique abordée. Lui succède le reste des personnages, les bottes (symbolique) sous les bras, le regard fixe, et en posture figée. Après un moment de silence, ils commencent à raconter leurs histoires. Celles d'une catégorie sociale démunie, opprimée et révoltée, propres à chacun de ces «gens». Le dialogue qui s'établit, rime bien avec l'ambiance pathétique et décrit l'état misérable d'une famille, composée du père Diba (Youssef Mares), la mère Tronja (Fayrouz Baâli), la fille Nawara (Sahar Riyahi) et le frère Bakhnès, (Walid Zidani), qui croise sur son chemin un couple riche et corrompu, interprété par Toumather Zrelli et Saber Araki. Le dialogue, symbolique et comique, est on ne peut plus révélateur. L'on parle d'argent, de pouvoir et de résistance. Le jeu des comédiens traduit une vision noire du présent et même de l'avenir, bien que teinté de comique au double niveau du discours et de la gestuelle. Les conditions de la femme ont été également évoquées dans la pièce, à travers deux caractères opposés, celui de Nawara, une femme brave et à principes, et celui de la femme fragile, déracinée et de mauvaises mœurs. La pièce oscille entre les mouvements d'entrée et de sortie des personnages, les courses et l'immobilité, les dialogues tendres - drôles et ceux crus et durs, entre les gens qui observent et parlent et ceux qui essayent de comprendre (comme le boiteux, incarné par Hassan Mezzi). C'est un panorama de la société et de la vie qui nous est proposé; des gens qui passent inaperçus, des gens qui partent, d'autres qui réfléchissent, certains qui se révoltent.... Chaque personnage reflète une catégorie sociale, un genre de citoyen, de telle sorte qu'on a de tout : la poésie, le discours politique, la lâcheté, la révolte, etc., ruits d'un système basé sur l'injustice, à tous les niveaux. Mouvements et silences s'alternent dans la pièce de Daghsni - Saïdi, révélant ainsi le côté clair et celui sombre de la vie.