Par Taoufik CHARRADI* Organisé pour la première fois en Angleterre en 1871, le football avait pour but d'unir, de rapprocher les peuples et les nations et d'animer les liens sociaux. Par l'ampleur du public qu'il touche, le football est un aspect révélateur de la civilisation de masse. L'engouement de ce phénomène s'universalise hors du foyer britannique et gagnera un public de plus en plus nombreux. La démocratisation de ce sport pose des interrogations concernant la nature de ce phénomène sportif qui est devenu un enjeu économique et politique. Enjeu commercial La professionnalisation, qui apparaît dans les années 1920, débouche très tôt sur les politiques de dopage. Elle est accentuée par l'enjeu économique impulsé par la médiatisation: publicité envahissante dans les stades et sur les athlètes, transformés souvent en «hommes-sandwiches» dont la capacité à faire vendre les produits les plus divers explique les gains parfois exorbitants. Les recettes du football générées par le sponsoring, les droits de retransmission télévisuelle, le merchandising et d'autres encore sont devenus de plus en plus importants, donnant ainsi plus de moyens aux présidents de clubs pour payer mieux et recruter mieux. Plusieurs industries et prestataires de services profitent de cette manne financière (transport, hôtellerie, articles de sport, etc.). Enjeu politique L'excellence des performances sportives en football sert à affirmer la supériorité d'une nation ou d'un système politique. Le football est l'instrument d'affirmation des jeunes nations (pays en développement). Une équipe nationale est devenue une image symbolique de la Nation. Par ses émotions, par sa victoire, elle fait oublier les misères, les souffrances et peut dissiper l'inquiétude du public. Conscients de son importance dans la société, de ses effets calmants et de ses effets catalyseurs, les pouvoirs politiques, dans beaucoup de contrées, l'utilisent pour distraire les foules par un loisir qui est à la fois un moyen de promotion individuelle et un spectacle aisément accessible. Le stade est devenu un lieu de contestation sportive pour les jeunes frustrés, sans horizon et un espace de liberté pour s'exprimer et se défouler. Dérives du football Les importantes sommes financières investies dans le football, l'hypermédiatisation, la marchandisation, entraînent depuis des décennies de nombreuses dérives (conflits, violence, dopage, racisme, etc.), fragilisant le système footballistique. La mobilisation des esprits autour d'une équipe nationale induit souvent la mise en place d'une hystérie collective qui peut déclencher la violence. Par ailleurs, le football peut être la cause d'un différend politique ou d'un conflit entre deux pays (en juillet 69, en Amérique latine, un match de foot entre le Salvador et le Honduras a dégénéré en conflit armé laissant 100 morts). Le football sert aussi de moyen de déification des idoles (Maradona, Platini, Messi, etc.). Exutoire des frustrations sociales ou nationalistes (d'où le phénomène d'hystérie collective et de violence), envahi par les pouvoirs des Etats et de l'argent, le foot a de plus en plus de mal à maintenir son idéal de fraternité humaine, d'union entre les nations et retrouver l'idéal humaniste des civilisations antiques. A l'occasion de cette CAN 2013, l'esprit critique s'impose car il est temps de faire face à ces dérives afin de promouvoir le football et lui rendre son charme.