Conformément à la décision de consacrer une année à la célébration de chaque art, le Président Zine El Abidine Ben Ali a décidé, le 25 février dernier, que 2010 sera l'année du cinéma. Grand enthousiasme chez les cinéastes qui, tout en relevant les acquis accumulés dans le secteur, s'affairent actuellement à réfléchir aux perspectives de sa promotion. Faut-il rappeler à ce propos que le cinéma, considéré comme une véritable industrie, se trouve aujourd'hui traversé par des mutations consécutives. Ses problèmes sont en fait générés par les exigences d'une croissance au rythme soutenu depuis près de deux décennies. Après les premiers bégaiements, c'est tout un réseau de voies créatrices qui s'est constitué, hissant la barre de la production qui lui a valu consécration et reconnaissance auprès des instances sectorielles internationales. La formation spécialisée aidant qui a été entamée dans nos murs depuis une décennie, de nombreuses potentialités cinématographiques ont pu être cultivées. Elles constituent désormais autant de ressources humaines alimentant en projets, en création, en production et en marketing les quatre cents structures de production que compte actuellement le secteur. Rationalisation de la production Source d'emploi, mais aussi de promotion de l'intelligence créatrice, le cinéma tunisien bénéficie d'une législation sans cesse réajustée. La dernière loi en date, celle adoptée au mois d'avril dernier, a révisé l'article 1 du code de l'industrie cinématographique en remplaçant le cahier des charges, concernant la création des sociétés de production audiovisuelle, par l'agrément du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine. Si certains promoteurs se sont interrogés à propos de l'effet rétroactif de cet amendement, le ministre de la Culture et de la Sauvegrde du patrimoine, M.Abderraouf El Basti, a confirmé dans son point de presse, samedi dernier, cet effet rétroactif. Il l'a inscrit dans la perspective de la rationalisation du secteur. Ce qui n'est pas sans rassurer les promoteurs déjà en place. Il semble, en outre, que cet amendement permettra la rationalisation du secteur au niveau de la production, mais également au niveau de l'aide à la production. A ce propos, la commission nationale d'aide à la production cinématographique ayant statué sur les projets de films vient de clôturer ses travaux. Au titre de l'année 2010, douze longs métrages et onze courts métrages ont été retenus pour une aide ventilée sur la production et la finition. Education et culture cinématographique C'est une lourde responsabilité que celle de cette commission constituée de compétences parmi les producteurs, les créateurs et les critiques. La répartition de l'aide publique suscite souvent des réactions controversées. Ce qui est d'ailleurs le cas dans tous les autres secteurs artistiques (théâtre, musique, arts plastiques, édition, etc.). En réalité, les difficultés des cinéastes ne résident pas tant au niveau de cette répartition qui est gérée en fonction de critères strictement définis par la loi. Bien plus, elles se situent au niveau de la stratégie d'accompagnement de la production. Le cinéma tunisien émergent accumule de jour en jour un succès manifeste à l'échelle internationale. L'opportunité de son exportabilité est donc à saisir et à promouvoir. Qu'en est-il à l'intérieur du pays ? Les publics tunisiens ont-ils gardé le même entrain envers leur cinéma national ? L'affluence régressive sur le film tunisien prouve sans doute un éventuel décalage entre les goûts et les attentes des publics, d'une part, et les voies de la création cinématographique, d'autre part. Si l'on admet que la création a gagné, ces dernières années, en qualité, la question se pose de savoir si les publics tunisiens ne seraient pas détournés de leur cinéma au profit d'autres expressions plus accessibles telles que les réseaux électroniques et les nouvelles technologies de l'information ? Dans ce cas, l'aide de l'Etat au cinéma serait à envisager dans la complémentarité entre une aide en nature à la production et une action stratégique misant sur la promotion de la culture cinématographique qui commencerait depuis l'école primaire jusqu'à l'université et se poursuivrait dans les milieux du travail. Il serait également souhaitable que le rétrécissement du nombre des salles de cinéma soit compensé par la réactivation des espaces de projection dans les complexes de loisirs. Enfin, cette année du cinéma s'inspirant du choix consultatif caractéristique de la stratégie culturelle nationale sera l'occasion d'une réflexion sur les perspectives de la promotion d'un secteur en mouvance remarquable.