Un bilan positif des réunions de printemps du FMI    Italie : Des gardiens de prisons arrêtés pour agressions sur Tunisiens mineurs    Les Galaxy A55 et Galaxy A35 sont lancés sur le marchés Tunisien    Un événement spectaculaire: Demo Day de Seeds4 Tomorrow par Graines d'Entrepreneurs.    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    Sénégal : Des frappes spectaculaires pour récupérer l'argent volé, même les entreprises françaises devront payer leurs impôts sur place…    Foire International du Livre : les éditeurs fermeront les pavillons durant la matinées du 25 avril    Détention préventive prolongée de quatre mois pour Wadie Jary    Dette publique | Des résultats en demi-teinte    Conseil ministériel restreint à La Kasbah : Une série de mesures au profit des Tunisiens résidant à l'étranger    BILLET | Développement régional : Soutenir la relance des PME    La France ne peut plus donner de leçon de droits humains : Amnesty sort un rapport accablant    Parquet : L'interdiction de la médiatisation de l'affaire du complot contre la sécurité de l'Etat toujours en vigueur    L'homme qui aimait la guerre    EXPATRIES : Hassan Ayari passe à Toronto    Au fait du jour | Il n'y a pas que l'argent    Urgent : La détention de Wadie Jary prolongée de quatre mois    Tournoi de Madrid : Ons Jabeur affrontera Anna Karolina Schmiedlova    Ligue 1 – Play off – Le CA affronte l'ESS ce dimanche : Enrayer la spirale    Météo en Tunisie : pluies et températures en baisse    Aujourd'hui, coupure d'eau potable dans ces zones    Education : Un rassemblement annulé à la faveur du règlement de plusieurs dossiers    Daily brief national du 24 avril 2024: Plusieurs mesures pour faciliter le retour des TRE discutés lors d'un conseil ministériel    Les éditeurs tunisiens demandent une prolongation du Salon du Livre    Malentendues de Azza Filali    Foire internationale du livre de Tunis : vers la prolongation de la FILT 2024 ?    L'Italie, invitée d'honneur du 18 au 29 avril à la Foire Internationale du livre de Tunis : «Anima Mediterranea»    Echos de la Filt | Pavillon de l'Italie, invitée d'honneur : Evelina Santangelo et Azza Filali échangent autour de leurs récents ouvrages    Rayhane Bouzguenda, auteure de « L'oublié dans l'histoire », premier prix « Béchir Khraief » pour la créativité littéraire à la FILT, à La Presse : «Ce succès me motive davantage pour transmettre le goût de la lecture à mes élèves»    Brésil: Elle vient à la banque avec le corps de son oncle pour avoir un prêt en son nom    L'URAP de Nabeul appelle à soutenir les producteurs de pommes de terre [Vidéo]    Censure d'un reportage de l'émission “Les quatre vérités” traitant de sextorsion sur des enfants    Affaire de complot : des professeurs en droit appellent au respect de la loi et à la libération des détenus    Fathi Ben Khalifa : le prix d'un mouton convenable atteint 1500 dinars sur le marché    Transports en commun : des citoyens contraints d'enjamber la porte d'un métro    INM: Les quantités de pluies enregistrées en millimètres durant les dernières 24H    Donald Trump bénéficiera : Un milliard de dollars d'actions supplémentaires de son groupe de médias    Ultimatum législatif aux Etats-Unis : TikTok doit être vendu sous un an ou disparaître !    Campagnes controversées en Turquie : retrait des enseignes arabes des commerces    Sousse : Arrestation de deux adolescents pour un braquage armé d'un étudiant en médecine    Tempête de sable en Libye : perturbations majeures et jours fériés décrétés    Actuariat – Hatem Zaara: Un rapprochement banques-assurances s'impose    Anne Gueguen sur la guerre à Gaza : la France œuvre pour une solution à deux Etats !    Soutien à Gaza - Le ministère des Affaires religieuse change le nom de 24 mosquées    match Al Ahly vs MS Bousalem : live de la finale du Championnat d'Afrique des clubs    Séance de travail avec des experts chinois sur la rénovation du Stade d'El Menzah    Un pôle d'équilibre nécessaire    Chute de mur à Kairouan : Le tribunal rend son jugement    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un apartheid doré
Récit d'un voyage en Inde (III)

Dans cette troisième partie de ces bonnes feuilles, Yvonne Bercher aborde d'autres aspects de son voyage en Inde, le secteur de l'hôtellerie et de la gastronomie, les différences de perception entre autochtones et visiteurs occidentaux, ainsi que l'apparent et le caché des mœurs dans ce pays pudique de L'Orient.
Quelles allaient être notre condition, la place qui nous serait assignée et la réalité de notre contact avec le pays ?
Au restaurant de l'hôtel, je pus mesurer à quel point la domination anglaise avait modelé les habitudes. Des nappes blanches bien amidonnées, du mobilier occidental sombre, aux moulures étudiées, des ventilateurs savamment orientés, voilà pour le décor. Un personnel au service impeccable, par chacun de ses gestes, vous communiquait la conviction incontournable que l'on n'appartenait pas au même univers et que la fraternité entre les êtres n'est qu'un leurre élaboré par des intellectuels fumeux. Patrimoine mondial nullement révolu, L'Empire des Indes survit par touches, comme un feu-follet sur une tombe.
Courtois et point serviles
Dans notre petit pays épris de démocratie, on n'est absolument pas rodé à cette distance à la fois respectueuse et insondable, faite d'attention acérée, d'une très grande retenue, de déférence, de lenteur, d'une courtoisie nullement synonyme de servilité. Il me fallut bien deux jours pour, détachée de mon propre rôle, me réduire à un œil qui voyage, observe et relate. Quelques étapes plus tard, j'en vins même à supposer que le personnel indien devait cultiver cette attitude, tant je fus effarée par le manque de tenue d'une partie non négligeable de mes frères européens, sympathiques au demeurant. Dommage que l'impératif premier de tout vadrouilleur ne consiste pas à s'imposer une certaine réserve qui ménage la sensibilité des autochtones. Même s'ils tirent quelques espèces sonnantes et trébuchantes de la présence de ces Blancs expansionnistes, les Indiens n'entendent probablement pas le faire à n'importe quel prix.
En matière de tourisme, il n'est pas exagéré de parler de ségrégation. Voiture pour touristes, hébergement pour touristes, et même au Taj Mahal, des voies différentes pour les étrangers et les Indiens, toutefois dépourvues de sanction si, l'air de ne pas y toucher, un curieux feint de se tromper.
Une signature obligatoire lorsqu'on débarque dans un hôtel et qu'on le quitte, permet de pister le pensionnaire, «pour sa propre sécurité», nous affirme-t-on, avec une courtoisie teintée de fermeté. Pourquoi pas ? On imagine volontiers que dans ce pays démesuré, il soit particulièrement ardu de veiller à ce que ces détenteurs itinérants d'immenses fortunes, si l'on compare l'inévitable réserve du voyageur aux quelques roupies que possédera au mieux un pauvre, ne tombent pas, alourdis par leur enthousiasme naïf, dans quelque piège bien ficelé. Un Afghan ou un Philippin serait-il traité comme un Américain de Manhattan? Est-ce le simple statut d'étranger, de hors-caste, (bénéficiaire ou victime de ces prévenances?) qui motive cet apartheid, ou la réalité est-elle plus complexe? Dans la même logique, il n'est plus possible de s'enraciner ad aeternam en Mother India, comme au temps béni de la vague hippie des années 60 et bien au-delà. Trop d'Occidentaux, qui s'étaient aventurés en fort lointaine perdition, drogués et peu à peu engloutis par une insidieuse précarité qui les avait transformés en épaves, ont connu des épilogues calamiteux à leur rêve indien.
De la brutalité du colonialisme
La ghettoïsation dont nous avons pâti était encore accentuée par les contraintes de l'hygiène. Des raisons évidentes nous obligeaient à renoncer à nous alimenter dans les gargotes de rue, où nous aurions été naturellement tentés de nous rendre.
Les seuls qui, harmonieusement, intégraient la légèreté souple qui, à mon avis, sied au nomade curieux, étaient des couples d'un certain âge, attentifs aux êtres comme aux choses, modelant leur comportement en conséquence. Quant aux autres, voyeurs superficiels et lourdauds, ils me semblaient bien hermétiques au contexte dans lequel ils se mouvaient. Incapables de s'abstraire d'eux-mêmes, trop souvent débraillés et avinés, ils semblaient engoncés dans leurs habitudes délétères. Parmi d'autres, une image me reste en mémoire : celle de cette jeune touriste espagnole, en short et en débardeur, qui, exténuée par la raide montée qui menait à un temple, s'était tout naturellement étendue juste devant la porte du lieu sacré. Un va-et-vient de visiteurs et de fidèles devait pratiquement la contourner. Dans cet étalage de chair offerte aux rayons du soleil, il y avait toute la brutalité du colonialisme.
Enfin, je fus affligée de constater à quel point les Occidentaux en vadrouille doivent donner aux Indiens l'impression d'ivrognes sur des charbons ardents, en perpétuelle quête de leur drogue. L'alignement de bouteilles de bière vides que l'on trouvait au petit matin dans nos hôtels le laissait supposer. Dès que nous posions nos valises quelque part, pratiquement en guise de salutation, on nous indiquait le bar. Et, comme je me cantonnais dans la précautionneuse réserve de celle qui n'a pas entendu (le «non», bien carré et franc, est perçu comme malséant en Inde), avec jovialité, notre chauffeur claironnait que je ne buvais pas, et, dans la foulée, porté par son enthousiasme, que je me passais de viande. Dans le meilleur des cas, je sentais la distance ci-dessus évoquée se raccourcir de quelques microns. Dans un pays où les coupures quotidiennes de courant transforment la chaîne du froid en chaîne des mouches, je trouvais simplement plus prudent de nous limiter à une alimentation dépourvue de risques. Comme des millions d'Indiens, nous avons mangé du riz, des lentilles et des légumes, apprêtés selon quantité de variantes savoureuses et subtiles, plus ou moins épicées, plus ou moins colorées, mais toujours délicieuses, présentées dans de jolis petits plats creux en cuivre bosselé, munis de deux anses en laiton ciselé.
Pragmatiques avant tout, les restaurants taxent assez lourdement les mets carnés et alcoolisés, tournant ainsi à leur avantage des faiblesses que les Occidentaux partagent, d'ailleurs, avec certains natifs. Si en service, notre chauffeur observait une scrupuleuse abstinence, le soir, il s'accordait en sybarite mesuré une petite pause bière-cigarette, qui n'a jamais compromis son aptitude au difficile métier qu'il exerçait. Même à Pushkar, village où la vente de spiritueux est interdite, il connaissait les bonnes adresses où s'en procurer. Mis en verve par ses projets un peu lestes à mon encontre, et son illusion que je m'y prêterais, Yukta m'apprit que la prostitution fleurissait, qu'elle se pratiquait au bord des routes et que les étrangers ne dédaignaient pas d'y goûter. À plusieurs endroits, je vis en effet des tentes où des gitans survivaient dans des conditions extrêmes. Dans le même type de contexte, j'avais recueilli des confidences mot pour mot identiques de la part d'un conducteur syrien de Palmyre, quelque neuf ans auparavant !


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.