La sélection n'a pas respecté le maillot qu'elle portait, ni fait honneur à l'histoire d'une institution qu'elle a gâchée sans y prendre garde C'est quoi le plus important en football? La qualité du jeu? Le plaisir que l'on se donne? Les victoires? A un moment, certains entraîneurs se demandent pourquoi ils font ce métier. Pourtant, l'un de leurs plus grands paradoxes est que plus on parle d'eux, moins on en sait L'expérience de Sami Trabelsi à la tête de l'équipe nationale lui donne aujourd'hui beaucoup d'humilité. Voilà un sélectionneur qui se croyait indispensable et qui se rend compte qu'il a été lâché plus vite qu'il ne pouvait justement l'imaginer. On peut toujours discuter du mérite des uns et des autres, de l'impact et de la pertinence de tel ou tel choix, mais il y a des données qui ne souffrent pas la contestation. Nous ne sommes pas tous d'accord sur la qualité du travail accompli par Sami Trabelsi en équipe nationale, et pas plus sur la valeur du spectacle exprimé. On s'indigne d'un jeu qui n'a cessé de privilégier la défense et la rigueur à l'excès. Les spécialistes de l'équilibre peuvent se demander ce qu'est devenue la sélection en continuant à développer les mêmes principes. Mais les observateurs avertis peuvent aussi se dire que, sous la conduite de Trabelsi, l'équipe avait quand même une ligne de conduite et une certaine compétence. On peut toujours dire, et on le dit donc, qu'elle nous laisse toujours sur notre faim, qu'elle apprivoise insuffisamment ses adversaires et qu'elle ne rend pas toujours gai. Le temps a cependant cette vertu: passés les débats et les polémiques de démontrer qui a tort et qui a raison. Eh bien, aujourd'hui on risque de regretter d'avoir jugé sévèrement Sami Trabelsi. La responsabilité de la débâcle de la sélection n'incombe pas seulement au sélectionneur. Elle est aussi partagée par les joueurs, par les hommes de la fédération. L'autorité de tutelle, qu'on semble épargner pour des raisons de complaisance et douteuses, aussi et surtout. Le football, comme tant d'autres activités, est un repère de moralité. C'est dire à quel point ceux qui se plaisent aujourd'hui à faire le bilan de la participation tunisienne à la CAN n'ont aucune conscience de la réalité. Le jour où ils en prendront la mesure, il serait certainement trop tard. En attendant, il est clair que la sélection possède de bons joueurs de club, ça ne fait pas de doute, mais pas de grands joueurs même s'ils l'ont cru. Aucun n'a été assez grand pour fédérer le groupe. Pas de leader technique sur le terrain, pas de leader tout court en dehors. L'ego de chacun, nourri par tant et tant de louanges et alimenté par les médias eux-mêmes, a fini par les étrangler aussi sûrement que le nœud coulant de la corde. Pas de talent. Ce n'est certainement pas une découverte. C'est une juste confirmation. Mais cette fois, ils étaient des demi-sel qui s'imaginaient être ce qu'ils n'étaient pas et ce qu'ils ne seront jamais. Ceux, dont on ne cessait de parler, n'ont ni la carrure, ni le charisme qui pouvaient faire d'eux des joueurs d'exception. On peut les énumérer un par un, personne n'échappe à la critique. En résumé: une défense qui donne l'impression de n'avoir jamais joué ensemble, des porteurs de ballon sans solution collective, une identité de jeu au point mort, une inefficacité chronique qui ne se résoud pas en changeant de stratégie. Ça fait beaucoup. Le talent, qui est aussi l'intelligence, ne s'improvise pas et les rares qui en possèdent dans l'équipe n'ont pas pu l'exprimer. Timidité? Défaut de personnalité? La sélection n'a pas respecté le maillot qu'elle porte, ni fait honneur à l'histoire d'une institution qu'elle a gâchée sans y prendre garde. C'est sur les champs défoncés que sont nés certains génies du jeu, mais ce n'est pas dans l'ambiance particulière d'une équipe égarée que s'épanouiront des internationaux qui manquent de génie. C'est ce que la vie sportive nous enseigne. Sur les défaillances et le gâchis d'une équipe minée par un vide existentiel, se profilent déjà les dessous d'un avenir pas tout à fait rassurant. Gérer la désespérance induit tellement de choses que nous ne savons plus trop par quel bout il convient d'empoigner l'affaire: le limogeage des responsables, la mise à l'écart des opportunistes, la rénovation des méthodes, l'affirmation des principes, le respect des valeurs, l'installation d'une nouvelle équipe. Tout doit être rapidement entrepris, sans doute, avec détermination et sans la moindre concession. Il s'agit en tout état de cause de replacer le débat au centre du terrain vert.