Après le succès de Hob Story, le trio Achour, Daoud et Basti revient aux planches avec une lecture libre et totalement libérée de Macbeth, œuvre shakespearienne remise au goût du jour avec des allusions à deux personnages de l'histoire toute récente de la Tunisie. Macbeth et sa lady portent le visage de Ben Ali et Leïla, un couple aussi sanguinaire que les personnages du plus célèbre auteur anglais. A l'évidence, Achour, Daoud et Basti ont voulu lire une page d'histoire avant de la tourner. Ils ont réussi à en faire une lecture, non sans envolées lyriques, reprenant quelques scènes originales de Macbeth, les fantômes, la scène du poignard, les mains entachées de sang..., mais sans déjouer aucune censure, ils ont dépeint les deux personnages de Leïla et Ben Ali à la manière de Shakespeare : des pitbulls diaboliques, assoiffés de sang et de pouvoir, d'argent et de gloire. L'idée que Lotfi Achour et ses compagnons ont choisie est originale et audacieuse, d'autant qu'ils sont, certainement, conscients qu'il n'est jamais facile d'aborder une page aussi fraîche de l'histoire d'un peuple, et de prendre la distance qu'il faut pour en faire la juste analyse et, bien entendu, pour aboutir à une réelle approche artistique. A un certain degré, Macbeth a bloody history a réussi à se défaire du discours direct sur la révolution et de ses slogans, mettant de l'avant l'intrigue et, surtout, les dialogues de Macbeth. Quand les mots de lady Macbeth sortent de la bouche de Leïla Ben Ali, l'effet est intense. Mise en scène décousue Mais au-delà de cette adaptation libre et libérée mais aussi d'une version objective de la vie et de l'œuvre sanguinaire de Ben Ali et sa Leïla, la mise en scène et les partis pris n'ont pas toujours réussi à transcender le message espéré. L'objectif était d'en faire une création théâtrale, musicale et documentaire, mais on n'a pas pu créer une unité de spectacle. Entre le jeu, la musique et les vidéo-témoignages d'intellectuels et militants, on avait du mal à trouver une ligne directrice, ce qui a même contribué à l'éparpillement du propos. Ces trois éléments sur lesquels Achour a basé sa mise en scène sont restés des droites parallèles qui avaient du mal à se rejoindre ou à se croiser. L'utilisation à outrance de la musique et de certains effets scéniques n'a pas pu dépasser la simple gadgétisation. Citons, à ce propos, la présence, sur scène du guitariste tout au long de la pièce dans un coin et sans aucune fonctionnalité, le recours à une marionnette pour le rôle de Bourguiba ou encore le choix de dévoiler aux spectateurs les marionnettistes. Dérision ? Distanciation ? Cela n'a, en tout cas, pas eu l'effet recherché ni rempli le rôle voulu. On passait d'une scène à une autre sans soigner les transitions, comme celle de Bourguiba (toujours en marionnette) sur son lit de mort qui reste abandonné dans un coin bien éclairé, alors qu'on est passé à autre chose... Même si l'on a désiré faire allusion à l'omniprésence du premier président de la République tunisienne, dans l'esprit des protagonistes et des Tunisiens, en général, cela avait du mal à passer. Idem pour les passages de Noômen Hamda dont le rôle n'est pas défini, qui intervient hors champ tel un conteur ou un commentateur qui n'est pas relayé dans une continuité, pour le monologue de Mariem Sayeh, qui vient à l'avant-scène pour réciter un texte hors propos et hors contexte. Cela nous a laissés perplexes. Revenons à l'utilisation de la musique. Sans renier la qualité vocale et le travail minutieux sur les vocalises, on avait du mal, par moments, à en saisir le sens ou l'utilité. Ce n'est pas parce qu'un des auteurs de la pièce est également musicien — Jawher Basti, en l'occurrence — qu'il fallait parsemer l'œuvre d'intermèdes, souvent inappropriés. Déroutantes étaient aussi les nombreuses maladresses survenues tout au long de la représentation: lenteurs, noirs interminables et injustifiables, erreurs techniques lors du lancement des vidéos..., ainsi qu'absence d'énergie chez les comédiens qui ont fait que le rythme se perde, que les voix ne portent pas et qu'on ait du mal à suivre les dialogues. Une absence d'énergie fortement ressentie qui s'est poursuivie jusqu'au tableau final qui était supposé être le point culminant de l'émotion, mais qui est passé pratiquement inaperçu. Dans un cafouillage total, le public l'a même confondu avec le salut final. Mettons cela sur le compte du stress de la première, qui généralement présente des lacunes, et espérons que l'équipe de Macbeth, qui a, tout de même, présenté de belles intentions d'analyse et une vision audacieuse, se rattrape dans les prochaines représentations.