Un clip vidéo où des élèves d'un lycée de la capitale dansant un Harlem shake est au centre d'une polémique pour son caractère jugé provocant. Le ministère de l'Education, qui a condamné la réalisation du clip de 30 secondes, a ouvert une enquête à ce sujet. Un « Harlem shake » est une vidéo où un groupe de personnes portent des costumes et se mettent à danser de manière loufoque sur le morceau Harlem shake, du compositeur Baauer. Repris partout dans le monde, le concept a été adopté par des jeunes Tunisiens, notamment dans les lycées et les universités. Seulement, le clip réalisé par les élèves du lycée Imam Muslim, anciennement appelé Pères Blancs, à El Menzah, a eu un retentissement médiatique sans précédent. Postée le samedi 23 février, la vidéo a été vue plus de 40.000 et le lendemain, le ministre en personne s'est exprimé sur le sujet aux ondes d'une radio privée. Abdellatif Abid a affirmé que le Harlem shake tel qu'il est présenté dans la vidéo est contraire à la vocation éducative d'un lycée et qu'une enquête immédiate allait être ouverte pour déterminer les responsabilités et prendre les mesures conséquentes. Il a déclaré également qu'une telle activité ne peut pas être autorisée par le ministère. Sur la vidéo en question, on voit des jeunes déguisés qui bougent frénétiquement sur le morceau Harlem shake. Certains sont habillés normalement avec un chapeau ou un masque sur la tête, d'autres portent uniquement un caleçon. Craignant que leur directrice soit sanctionnée à cause de la vidéo, les jeunes se sont rassemblés devant le lycée la matinée du lundi, c'est-à-dire au lendemain de la déclaration du ministre, pour lui exprimer leur soutien. La directrice leur avait donné l'autorisation de réaliser le Harlem shake au sein de l'établissement, le samedi après-midi, mais les élèves n'ont pas attendu qu'elle soit là au moment du tournage. Contactée le mardi matin, Kmar Ghodhbane, la directrice du lycée, se veut rassurante. Elle a été reçue la veille par le ministre simplement pour l'informer sur ce qu'il s'est passé. Elle ne craint pas de sanction de la part du ministère, quant aux élèves impliqués dans la réalisation du Harlem shake, ils ne seront pas punis pour l'instant. «De toute façon, cela relève de notre cuisine interne», a-t-elle dit. Réaction démesurée Plusieurs jeunes d'autres lycées se sont joints au mouvement, lundi matin, pour dénoncer une réaction démesurée du ministère de l'Education. Mohamed Ali El Aouadi, surveillant général et conseiller en éducation au lycée Imam Muslim, estime que les propos du ministre sont irresponsables et que c'est lui qui est la cause de ce « séisme ». « On a réalisé le Harlem shake pour se défouler, tout simplement », raconte un jeune. Ce qui était un amusement plutôt bon enfant au départ, a été perçu comme une provocation par plusieurs internautes. En cause, les tenues dénudées et la mise en scène de la femme en niqab. Un jeune, ancien de Imam Muslim et qui se revendique de la mouvance salafiste, est venu discuter avec les lycéens pour leur expliquer en quoi le clip est offensant. Selon lui, la vidéo porte atteinte aux principes de la société tunisienne et aux mœurs de l'islam. Il dénonce également l'image véhiculée par les lycéens, celle d'une jeunesse d'un « bas niveau » qui devrait plutôt « participer à la construction du pays ». Il craint également qu'on utilise cet événement à des fins politiques. On n'a pas de précisions sur comment la vidéo a été portée à la connaissance du ministre. Cependant, un certain Aymen Ben Ammar affirme sur sa page facebook s'être entretenu avec le ministre pour l'informer de ce sujet, appuyant ses propos par une interview filmée avec Abdellatif Abid dans ce qui semble être un café. Hamida El Hedfi, directeur général de l'enseignement secondaire, a précisé que le ministère réagit à chaque fois qu'on vient lui rapporter un problème dans un établissement scolaire et qu'une enquête va être ouverte pour déterminer les responsabilités de chacun. Il a affirmé qu'il n'y aura pas de sanctions à l'encontre de la directrice et des élèves de la part du ministère. Le clip aurait-il suscité une réaction de la part du ministère s'il avait été filmé à l'extérieur du lycée ? Le DG pense, à titre personnel, qu'une vidéo où des personnes en « sous-vêtements » et d'autres portant des «habits typiques des pays du Golfe » se mettent en scène ne devrait pas être réalisée dans la rue pour ne pas irriter les gens et troubler l'ordre public. Un vent de Harlem souffle sur toute la Tunisie La vidéo réalisée au lycée d'El Menzah a été fortement relayée sur les réseaux sociaux ainsi que dans les médias tunisiens et étrangers. Victime de son succès, le lycée a reçu des menaces directes de la part d'un homme le lundi après-midi. Ce dernier a vite été maîtrisé par les forces de l'ordre, qui sont toujours postées devant l'établissement. D'un autre côté, la sur-médiatisation du phénomène Harlem shake a contribué à le rendre encore plus populaire en Tunisie. Faculté de pharmacie à Monastir, lycées de la capitale, faculté de Manouba, plusieurs étudiants et lycées ont réalisé leur clip et l'ont posté sur Internet depuis l'éclatement de l'affaire d'el Menzah. Ils ont été rejoints par des artistes, notamment Lamine Nahdi et l'équipe du studio El Teatro. En attendant le résultat de l'enquête du ministère, un événement facebook a été créé pour appeler les citoyens tunisiens à participer à un Harlem shake devant le ministère de l'Education, le 1er mars à 15h00. Plus de 7.800 personnes se sont inscrites pour y participer.