Après les conférences tenues par MM. Chékib Zouaoui (2.11.12) et Raouf Ben Jemaâ (30-11-12), respectivement sur les saisons de pêche et les Iles de la Méditerranée, c'était au tour de M. Habib Langar, professeur à la Faculté des Sciences de Tunis, d'éclairer l'opinion sur les espèces exotiques en Méditerranée. Cette conférence, organisée par l'Association de protection et de sauvegarde du littoral de Bizerte, qui a eu lieu récemment à la maison de la culture, a réuni un parterre de gens avertis, farouches défenseurs de l'environnement marin. On était donc curieux de découvrir un certain nombre d'espèces non indigènes en Méditerranée, leurs voies d'introduction, leurs conséquences sur l'homme et l'économie, leurs impacts sur la biodiversité et les solutions envisagées. Nous avons appris, à cette occasion, qu'il y avait 925 espèces non indigènes dénombrées à ce jour en Méditerranée, représentant 13 embranchements dont le plus important est celui des Moustiques (216), suivi des poissons (127), des végétaux (124) et des crustacés (106). On peut citer, la caulerpe, «Caulerpa taxifolia», une espèce envahissante et le poisson-ange géographe pomacauthus maculosus, dernière espèce de poisson à avoir franchi le canal de Suez. Le nombre d'espèces non indigènes s'accroît de manière plus importante de nos jours et leur expansion en Méditerranée est de plus en plus rapide. Une même espèce non indigène identifiée dans deux pays différents peut avoir deux origines différentes. Ainsi, la présence du mérou à taches oranges Epinephelus Coivides, dans les eaux du bassin levantin est due à une immigration de certains individus depuis la Mer Rouge. Ce poisson concurrence notre mérou brun, selon M. Langar. Quelles sont les voies d'introduction ? Les espèces non indigènes peuvent s'introduire en Méditerranée, soit de façon naturelle, transportées par les courants (larves de poissons ou d'invertébrés), soit de manière artificielle avec l'intervention de l'homme. En effet, l'homme, à travers le transport maritime, l'aquaculture et l'aquariologie, contribue involontairement ou non à la dissémination des espèces en Méditerranée. On pense notamment aux détroits du Bosphore et des Dardanelles et aux eaux de ballast. Quels impacts ? Même si les impacts réels de ces espèces non indigènes sur les écosystèmes en place sont souvent mal connus, des effets visibles sont notés. Par exemple, l'arrivée d'un herbivore strict peut profondément modifier les paysages alguaux : en Turquie, la pullulation des poissons-lapins a entraîné un surpâturage des fonds. Dans certaines zones de la Méditerranée, le poisson-lapin vient concurrencer l'herbivore local, la saupe (saupa salpa), notre «chilba» locale. Une perte économique certaine... En Tunisie, l'espèce d'origine lessepsienne Metapenaeus monoceros a remplacé l'espèse de crevette locale Penaeus kerathurus. La pêche de la crevette n'a pas diminué mais les prises, composées désormais à 50% par l'espèce non indigène, ont une valeur commerciale 7 fois plus faible que celle constituée uniquement de l'espèce locale. ...Et des conséquences sur la santé humaine Les espèces non indigènes peuvent constituer un danger pour la santé humaine. En effet, la méduse Rhopilema nomadica, entrée en Méditerranée orientale dans les années 1970 par l'intermédiaire du canal de Suez, peut causer de douloureuses brûlures au baigneur. Le mollusque conus textile, ayant aussi pénétré à travers le canal de Suez, possède quant à lui une piqûre dangereuse, voire mortelle si la victime est un enfant. Quelles solutions ? Informer, sensibiliser et réglementer sont les conditions nécessaires pour espérer mettre un terme à cette «invasion» des espèces non indigènes. Différents outils juridiques sont mis en place afin d'éviter leur introduction. La législation est malheureusement rarement appliquée.