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Citadelles en fil de soie
Vient de paraître- Mugelières de Moncef Ghachem
Publié dans Le Temps le 18 - 09 - 2010

C'est en 1975 que «Cent mille oiseaux» fut publié à Paris, suivi par « Car vivre est un pays » en 1978, et une petite décennie plus tard, par «Cap Africa», 1987, «Orphie», en 1997, «Matin près de Lorand Gaspar», (1998), «L'épervier» (1994) et tout dernièrement, «Mugelières» (2010)…
Un ensemble de cinq textes qui ont pour point commun, Mahdia et Salakta, les deux fiefs de la pêche au mulet au point jaune dit «Mujil», chez les Mahdois, «Mila», pour les habitants de Salakta et «Ktoubri» pour ceux de la capitale, en référence au mois d'octobre, période de transhumance et d'amour pour ce poisson emblématique pour les habitants de la capitale fatimide. Sa pêche est un véritable festival. Pratiquée à même les berges, elle draine un public qui n'aurait, pour rien au monde, manqué une seule séance de la mise à mort de ces milliers de poissons sauteurs pour lesquels il faut placer une grande muraille de filets commençant à même le premier rocher de la berge et s'étirant vers le petit large pour s'achever en spirale où les «mujils» vont finir par perdre espoir à force de tourner en rond sans trouver la moindre issue de secours. C'est cette spirale que Moncef Ghachem appelle «Mugelière» puisqu'elle est en réalité le piège où le poisson cède à la nécessité de la mort «Katèlla».
A l'époque où l'auteur était encore jeune adolescent, quelques marins pêcheurs émérites quittaient Mahdia où les vents étaient très puissants et où il n'y avait pas de criques ou de baies où les bancs de poissons pouvaient passer la nuit en paix, pour Salakta, connue pour son «Jône», petit golfe ou crique. Les habitants de Salakta ne pratiquaient pas encore la pêche et se contentaient de travailler la terre. C'est avec la venue des Raïes mahdois qu'ils vont toucher à la pratique de la pêche. Au début, en se mêlant à eux, ensuite, ils réclamèrent une journée de pêche pour eux et une pour les Mahdois. Plus tard, ils chassèrent ces derniers et seul Raïes L'Bey, père de l'auteur, eut le privilège de pêcher à Salakta, parce que son père, avant lui et lui-même ensuite, étaient reconnus comme les maîtres incontestables de la pêche au Mujil, pratiquée au mois d'octobre, suivie de celle à la dorade, novembre, le loup, au mois de décembre et, enfin, le mulet classique (Bouri) mois de janvier qui clôt l'année de la pêche jusqu'au mois d'avril, où les sparès reviennent pour ouvrir le bal, suivi par les Zmimra, généralement utilisés comme appât pour les dentés (mois de mai) et des mérous (mois de juin), juillet ramènera ses tribus de poissons bleus, août fanfaronnera avec ses pagres et amusera les enfants avec ses billes (Lumbouka). Septembre se vêtira d'un léger voile de romantisme avec la pêche à la femelle du mulet à tête plate (Karchou) et nous voilà de nouveau pris par l'effervescence du Mujil du mois d'octobre.
Ce petit constat chronologique (voir page 54) peut nous rapprocher du monde féerique où Moncef Ghachem a grandi.
Ajoutons à cela, la dure réalité d'une vie qu'on a tendance à cristallier et l'on se retrouvera au commencement du monde.
Car, l'enfance des poètes est souvent la naissance d'un monde, d'un univers unique qui n'a jamais existé auparavant et qui n'aurait été que néant si le poète ne l'avait pas couvé, choyé, dorloté, sauvé de tout danger et brandi vers les cimes comme seule arme contre l'apocalypse.
Les maisons étaient bâties en pierre va-nu-pieds.
Les jouets des enfants étaient de fer récupéré ou de vieux chiffons.
Leurs pieds étaient plutôt faits pour marcher sur l'eau que pour fouler la terre.
Quand le mois de mars, le long, s'éternisait et qu'il n'y avait plus ni sardine salée pour leur pain rassis, ni la moindre petite rascasse grise pour leur « marka », leurs yeux devenaient aussi creux que des coquillages désertés par leur habitant. Ils passaient le temps à se bagarrer et quand arrivaient les divins mulets à point jaune, les voilà qui irradient de lumière de nouveau.
Ces poissons sauteurs étaient leur fierté, leur chant de combat et leur royaume et nulle couronne d'empereur n'était sertie de diamants aussi magnifiques.
Les cinq textes qui composent « Mugelières », le dernier livre de Moncef Ghachem s'ouvrent par « Café Blayatt, Café-Guignard », une espèce de « confessionnal où l'on venait vider sa bile et exposer ses conflits avec d'autres marins, tout en souhaitant se faire conseiller par l'époustouflant tenancier…».
«Mugelières» nous plonge dans l'univers des pêcheurs de Mahdia, famille par famille avec changements d'atmosphère et anecdotes personnalisées.
«Santo et loup», est une histoire d'amitié agrémentée par deux espèces emblématiques de poissons (Sardine et Mujil) entre un enfant issu d'une famille de pêcheurs siciliens et l'auteur.
Il est évident que même si on ne tarit pas d'éloges sur telle ou telle famille de poisson, la saupe (Chilba ou poisson fou puisqu'il se nourrit de certaines herbes psychédéliques), malgré les ravages, généralement, corniques qu'elle cause, est très appréciée pour sa chair grillée et pour ses qualités thérapeutiques, l'auteur de «l'épervier» lui consacra une pêche miraculeuse : « Si on a l'habitude de voir quelques bateaux à lamparos rentrer (…) avec de bonnes prises de petits thons ou de germons, on ne les a pratiquement jamais vus remplis à ras bord de saupes plus grosses qu'une main ouverte, aussi jaune que le métal précieux, sauf qu'elles ont l'écaille ponctuée de bleu et de noir…».
Ce sont les «lecteurs de Sclalési» qui ferment le livre.
Ce poète gagne beaucoup à être connu. «Scalési a écrit des poèmes harmonieux, d'une esthétique éloquente puissamment rythmée et fabuleusement imagée…».
Entre l'école qui fut sa mer et la mer qui fut son école, Moncef Ghachem demeure cet enfant, errant au milieu de ces citadelles en fil soie dansant, ces «Mugelières» d'où il n'a jamais cherché à s'échapper parce que la mise à mort y ressemble à un diamant céleste.
Hechmi GHACHEM

- «Mugelières »
- Editions Apogée
- 108 pages
Biographie
Moncef Ghachem est né à Mahdia (Tunisie) en 1946, dans une famille de pêcheurs. Son œuvre est intimement liée à la mer. Il a publié plusieurs recueils de poèmes ou de nouvelles, notamment Orphie (MEET,1997), Nouba (L'Or du temps, 1997), Marin près de Lorand Gaspar (L'or du temps, 1998) et L'Epervier, nouvelles de Mahdia (L'Arganier, 2009) pour lequel il a reçu le prix Albert-Camus en 1994.
Il a également reçu le Prix international Mirabilia de poésie francophonie en 1991 et le prix international de poésie de langue française Léopold Sédar Senghor en 2006, pour l'ensemble de son œuvre.


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