Après Plus jamais peur, un documentaire sur la révolution du 14 janvier 2011, sélectionné au festival de Cannes, la même année, Mourad Ben Cheikh prépare, actuellement, son premier feuilleton pour la Watania 1. Pour le cinéaste, cette fiction lui permet d'être « sur la place tunisienne et de partager ses histoires avec ses concitoyens ». Mourad Ben Cheikh est l'un de ces rares réalisateurs de cinéma qui ne ratent aucun évènement culturel. Il est l'ami de tout le monde et son nom figure dans les listings de toutes les salles de spectacle. Il a touché à tout avant de devenir réalisateur. Après avoir obtenu un diplôme des beaux-arts à Tunis, et réalisé les décors de Viva Shakespeare, une pièce du théâtre national signée par Mohamed Driss, Mourad est parti à l'étranger poursuivre des études de cinéma. « C'était à Bologne, la ville de la cinémathèque la plus vivace en Italie, de l'université la plus ancienne du monde occidental, et de la grande école de la sémiotique fondée par le célèbre romancier Umberto Ecco qui était d'ailleurs l'un de mes professeurs », précise Mourad, fièrement. La formation qu'il a eue aboutit à un diplôme en histoire du septième art et à une thèse sur la métaphore au cinéma. A l'époque où il était étudiant, il s'exerçait souvent aux métiers du cinéma. C'est ainsi qu'il a été assistant sur Besness de Nouri Bouzid, sur plusieurs autres films italiens et a travaillé comme directeur de plateau avec Chérif, metteur en scène de théâtre tunisien, vivant en Italie. « Chérif m'a permis de fréquenter la fine fleur des acteurs italiens qui m'ont beaucoup appris ». Survivre et apprendre plutôt que de gagner de l'argent, c'était le choix de vie de Mourad Ben cheikh avant de commencer à faire carrière au cinéma. Son curriculum vitae commence par deux documentaires sur l'histoire du cinéma arabe qui lui ont permis de se positionner en tant que cinéaste. Il s'essaie par la suite à la fiction avec deux courts métrages : Le peintre des étoiles et Une saison entre enfer et paradis. Mais Mourad pense qu'il a toujours été « réduit » à travailler pour l'étranger. Ses 23 autres documentaires ont été diffusés en dehors de la Tunisie. « Ce n'est pas normal de pouvoir être sur le marché global et d'être, par ailleurs, presque absent du marché local », dit-il. Et de continuer : « C'est pour ça que j'ai envie de faire ce feuilleton, pour que je puisse être sur la place tunisienne et partager mes histoires avec mes concitoyens ». L'artiste nous apprend qu'il a déjà fait l'expérience de la télévision. Il a réalisé Fondouk el ghalla, un magazine culinaire pour Canal Horizons, et Sfide (défi), un magazine sportif pour la RAI3, pendant trois saisons. En attendant de passer au long métrage de fiction intitulé Ali Raiess et pour lequel il a obtenu une subvention du ministère de la Culture, il y a deux ans, Mourad Ben Cheikh est occupé à préparer son feuilleton. Mémoires d'une femme vaincue , tel est le titre provisoire de ce feuilleton écrit par Khalida Chibani, une jeune ressortissante de l'Isad (Institut supérieur d'arts dramatiques). L'histoire traite de portraits croisés de femmes qui vivent différents drames. Certaines les dépassent, d'autres se perdent en cours de route. Cette fiction, dont la diffusion est prévue pour le prochain mois de Ramadan, est actuellement en phase de réadaptation du scénario. « Il faut toujours une seconde écriture. J'ai ma vision qui doit être insufflée dans le script. C'est un travail nécessaire de collaboration », ajoute le réalisateur. Mais nous croyons savoir qu'avant même que le projet démarre, l'idée de confier un produit maison à un cinéaste a été contestée par les employés d'El Watania 1. Ce travail aboutira-t-il quand même malgré la résistance ? Dans tous les cas, Mourad n'a pas l'air de vouloir y renoncer. Il en est déjà à plusieurs semaines de préparation. «La réalité du calendrier impose le devoir de raisonner et de travailler sur l'œuvre», avoue-t-il. Et puis, quel mal y a-t-il à ouvrir les portes à des compétences externes à la télévision ? Cela s'est déjà fait dans le passé et les résultats étaient satisfaisants. Mourad ne manque pas de donner l'exemple de la « RAI Fiction » qui fonctionne comme une maison de production et qui travaille pour le compte de la RAI. Est-ce trop rêver que de suivre ce modèle ? Apparemment, oui.