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L'Islam, otage électoral et politique des «islamistes»...!
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 03 - 2013


Par Mohsen MAATOUG*
J'ai lu minutieusement quelques documents de qualité écrits pour présenter, préparer et relever les défis et les enjeux du Forum social mondial de Tunis 2013, qui se tient actuellement sous nos cieux, en guise d'hommage à la Révolution des Jasmins.
Effectivement, le mouvement de masse inauguré par le peuple tunisien en décembre 2010-janvier 2011 a engendré de grands espoirs et attiré des élans de sympathie dans les quatre coins du globe et a même eu des émules et des échos en Europe du Sud (Espagne, Portugal Grèce...), en Asie et en Amérique du Nord avec les mouvements (Occupy Wall Street) à New York ,à Montréal et à Londres...
Malheureusement ,il faut toujours compter avec les grands magnats de ce monde et leur capacité à absorber les premiers chocs des mouvements de masses populaires et leur capacité inouïe à manœuvrer et à tramer des stratégies de contournement de révolutions qui visent à pérenniser leur stratégie de domination.
Dans le contexte tunisien actuel, et dans le souci bien compréhensible d'assurer une interaction aussi saine que possible entre le FSM, et son environnement socio- politique, il est normal que les organisateurs pensent à la nécessité que «le Forum ne soit pas exclusif, et qu'il faut laisser jouer la diversité en l'élargissant aux mouvements qui peuvent naître de l'évolution de l'Islam politique.» J'aimerais faire situer mon message à ce niveau précisément, le niveau du jargon politique dominant, que je pense en partie responsable de ce retard dans la réalisation des espérances des jeunes désespérés qui se sont brûlés vifs pour faire entendre leur voix.... !
Des franges de plus en plus larges de notre peuple, même parmi les moins politisées, croient de plus en plus que ces mouvements plébiscités au pouvoir après les révolutions du Printemps arabe ne s'apparentent ni à l'Islam ni à la politique!
En effet, le mot islam est dérivé en arabe du mot salam (paix) et le mot «politique» en arabe est traduit par siyassa qui veut dire «conduire doucement»...On dit dans la profonde société de quelqu'un qu'il est messyess s'il est particulièrement affable et doux dans sa manière de convaincre par ses opinions politiques ou ses opinions tout court...Donc paisible, affable et doux devraient être les qualificatifs de base de tous les acteurs de ce vaste champ qu'on appelle désormais l'Islam politique...Or sur un champ qui s'étend de l'île indonésienne de Bali aux camps terroristes du Mali, qu'avons-nous vu ? Des mouvements salafistes qui se caractérisent dans leur écrasante majorité par la brutalité, l'agressivité et le bellicisme verbal et martial. Je vous exempte de la citation des exemples car vous les connaissez tous.
Fondamentalistes, intégristes, salafistes (passéistes), conservateurs...
Voici les termes qui me semblent les plus appropriés pour désigner ces groupes extrémistes. C'est d'ailleurs les termes qu'on utilisait à l'Université tunisienne dans les années 70 et 80 du siècle écoulé.
Pourquoi cette terminologie dominante me paraît si importante? Dans le vaste mouvement de contournement et de dénaturation de ce noble mouvement révolutionnaire qui a suscité tant d'espoirs, on a voulu capitaliser et instrumentaliser le nom de l'Islam pour saper justement les espérances légitimes des jeunesses musulmanes. Car Islam veut dire aussi la civilisation islamique, Islam veut dire aussi l'histoire islamique, la langue arabe, la langue du Coran, Livre sacré des musulmans. Je sais qu'en Occident, un amalgame entre les termes islam,islamiste,islamique, musulman est très souvent diffusé et distillé dans la presse et dans les médias audiovisuels. Cet amalgame savant et perfide, très rarement innocent ,et la plupart du temps dosé et calculé pour maintenir l'ignorance et le mépris de l'Arabe et du Musulman,est destiné justement à alimenter la xénophobie ambiante condamnée par beaucoup d'humanistes européens ! C'est cette même xénophobie qui est si bien instrumentalisée et fructifiée par les mouvements racistes et les partis d'extrême droite et même de droite tout court dans les périodes électorales...En Europe et en Occident, cette stratégie vise à susciter la peur de l'Arabe et de l'Islam. Mais en terre arabo-islamique, la même stratégie vise à faire autant de l'identité arabo-islamique.
Sociétés arabo-islamiques et valeurs universelles
Soutenir à coups de milliards de pétrodollars, des milliers de groupuscules salafistes, obscurantistes, passéistes, violents et agressifs, afin de les utiliser comme bras armés occultes surtout en période électorale, et le tour est joué...
En langue arabe, il n'y a qu'une lettre, une voyelle qui fait la différence entre islam et islami (islamiste). Or pour la majorité écrasante du peuple, cette infime voyelle tombe au passage des supports de communication et toute élection est transformée en référendum sur l'identité arabo-islamique. Grâce à une misérable voyelle (i), ceux qui sont dits (islamistes) empochent dans leur cagnotte électorale, toute l'histoire, toute la culture, toute la langue arabe et ses trésors de la terre d'islam.Et bien sûr l'Identité arabo-slamique sort victorieuse des urnes car moi- même je vote pour elle, si elle est vraiment au centre de l'enjeu. Du coup, toute la transition démocratique est viciée dès le départ, et les dès sont pipés. Les jeunes tunisiens en auront pour leurs frais et ils continueront à se faire brûler vifs pour la Dignité, l'Emploi, la Liberté, et l'équilibre régional, causes premières de la Révolution des Jasmins!
Les agents locaux de l'impérialisme ont trouvé dans la mouvance salafiste un cheval de Troie idéal pour miner et saper le mouvement initié par le Printemps arabe.
Ce mouvement de sape vise à empêcher les interactions et les osmoses internes et externes entre les mouvements sociaux des jeunes arabo-musulmans, pour réaliser deux objectifs essentiels:
-Sur le plan arabe interne :
Isoler le mouvement révolutionnaire libérateur et démocratique et l'empêcher d'atteindre les frontières explosives des pétromonarchies et des émirats gaziers et de les protéger ainsi de la « contagion démocratique ». Pour ce faire, il faut créer un mouvement capable d'empêcher l'achèvement de l'agenda révolutionnaire et surtout empêcher l'osmose révolutionnaire entre les différentes jeunesses arabes
-Sur le plan externe :
Empêcher l'accès aux valeurs universelles des libertés et des droits de l'Homme...Empêcher l'osmose entre les sociétés arabes et musulmanes, de façon à rendre impossibles l'interaction et le contact libre des différentes couches sociales de nos jeunesses avec les sociétés européennes, relativement émancipées...La mouvance salafiste, foncièrement antidémocratique qu'elle considère, comme un genre d'héresie, anti libertés et porteuses de débauche, peut réaliser ces objectifs...La niqabisation des filles (contrainte à porter le niqab), leur «ghettoïsation» progressive, leur déscolarisation ultérieure et leur exclusion du marché du travail pourront faire le reste du plan visant à reléguer le monde arabo-islamique au Moyen Age de l'humanité.
Les participants au Forum social mondial peuvent aider les millions de jeunes arabes et musulmans hantés par le désespoir à protéger leur rêve et à achever la réalisation des objectifs authentiques de la révolution des Jasmins...Juste par un petit «coup de pouce» communicationnel...En entamant dès maintenant dans les documents officiels et dans les communications une terminologie alternative qui réalise symboliquement et linguistiquement la séparation entre l'islam en tant qu'histoire, en tant que culture et civilisation profondément humaine et tolérante et les soi-disant islamistes qui utilisent et usent de l'Islam comme fonds de commerce électoral avec malheureusement la connivence passive de la majorité des autres acteurs politiques ! Libérer l'islam-histoire-culture et civilisation de la situation d'otage dans laquelle il est maintenant sous la coupe des «islamistes» salafistes et passéistes !... Ce sont plutôt des fondamentalistes, des intégristes, des conservateurs ou même des mercantilistes de l'Islam.
Faut-il rappeler que notre culture a beaucoup donné à l'humanité...Elle a donné Averroès, le vrai père du rationalisme...Elle a donné Avicenne...Et beaucoup d'autres...Rappelons-nous qu'en Andalousie, calme et prospère, la tolérance était de mise...La peésence de ministres chrétiens ou juifs, de chanteurs, de poètes et d'architectes de confession juive étaient tellement banale qu'on n'avait même pas besoin de le préciser...Après 1492, tous avaient fui l'Espagne de l'Inquisition pour se réfugier en Afrique du Nord, une terre d'Islam, mais qui était en plus une terre d'asile !
*(Syndicaliste, écologiste social-démocrate)


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