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Le «printemps arabe» à l'épreuve de la durée
Lettre de Paris
Publié dans Le Temps le 14 - 04 - 2012

Edité par Le Temps des Cerises (Paris), le nouveau livre de Samir Amin, intitulé Le Monde arabe dans la longue durée ». Le « printemps » arabe ?, porte sur les révolutions arabes de 2011. Le déclenchement de la révolution tunisienne a surpris l'auteur alors qu'il finissait un livre sur le devenir du Monde arabe dans lequel il évaluait les transformations qui le travaillaient depuis un siècle. Samir Amin décide alors d'ajouter à sa réflexion une nouvelle dimension : prendre en compte les révolutions en cours dans la longue durée, celle qui a retenu l'attention de l'auteur.
Portant presqu'essentiellement sur l'expérience égyptienne qui a vu les premières tentatives d'émerger de la décadence historique avec Mohammed Ali, le livre brasse un siècle de flux et de reflux vers le progrès. Partant de l'époque où le Moyen-Orient était la plaque tournante de la mondialisation ancienne, de l'époque pré-moderne, Samir Amin analyse les périodes de déclin et de sursaut, ensuite la dérive nationaliste qui se termine en prolifération de systèmes dictatoriaux vides de projets nationaux.
C'est surtout le premier chapitre, où l'auteur scrute les « explosions » de 2011, qui apporte un regard neuf sur les révolutions arabes dans leurs différentes dimensions. Il y analyse l'éveil des peuples du Sud, les explosions dirigées contre les autocraties qui ont accompagné le déploiement néolibéral du XX° siècle et la remise en cause de l'ordre international par les « pays émergents » au début du XXI° siècle.
Sa lecture critique du passé et du présent du Monde arabe se limite en fait à l'expérience égyptienne. Sans doute Samir Amin connaît-il mieux son pays, a-t-il assez d'éléments d'analyse pour lui permettre de présenter une vue globale des transformations à l'œuvre dans la région arabe. Toujours est-il que l'analyse qu'il fait de la « révolution » égyptienne vaut pour les autres dans la mesure où il pointe leurs invariants et leurs similitudes.
Précisons d'abord que le livre a été achevé avant les élections égyptiennes qui ont enregistré la victoire des islamistes. La description des rouages de l'Etat et des forces en présence explique largement ce résultat. Samir Amin remonte au rôle joué par l'Angleterre dans le déclin forcé de l'Egypte et qui s'est employée à renforcer systématiquement des conceptions idéologiques et culturelles passéistes et réactionnaires utiles pour le maintien du pays dans son statut subordonné. Pour Samir Amin, «l'ambassade britannique et le Palais royal ont alors soutenu activement la création des Frères Musulmans (1927) qui s'inspiraient de la pensée « islamiste » dans sa version « salafiste »(passéiste) wahabite formulée par Rachid Reda, c'est-à-dire la version la plus réactionnaire (anti-démocratique et anti-progrès social) du nouvel « islam politique ». »
Sadate qui succède à Nasser fait un pacte avec les Frères, inscrit la charia dans la Constitution comme source de la législation, « accentue la portée de la dérive à droite et intègre les Frères Musulmans dans son nouveau système autocratique. Moubarak poursuit dans la même voie. » Samir Amin montre comment le régime donne une place prépondérante à l'Islam politique réactionnaire dans son système de pouvoir, « en lui concédant la gestion de l'éducation, de la justice et des médias majeurs (la télévision en particulier). Le seul discours autorisé était celui des mosquées confiées aux salafistes, leur permettant de surcroît de faire semblant de constituer « l'opposition ». »
Samir Amin décrit « un bloc réactionnaire » constitué de la bourgeoisie égyptienne, de dizaines de milliers de millionnaires et de milliardaires qui tous doivent leur fortune à la collusion avec l'appareil politique. « Cette bourgeoise compte dans ses rangs de nombreux généraux de l'armée et de la police, de « civils » associés à l'Etat et au parti dominant (« National démocratique ») créé par Sadate et Moubarak ». S'ajoutent à ces catégories les religieux : « la totalité des dirigeants des Frères musulmans et des cheikhs majeurs de l'Azhar, sont tous des « milliardaires ». Enfin, les paysans riches, soutien majeur de l'islam conservateur dans les campagnes, maintiennent des rapports étroits avec les représentants des appareils de l'Etat et de l'Azhar qui « est en Egypte l'équivalent d'une Eglise musulmane organisée ».
Samir Amin souligne le fait que l' « aide » américaine ( de l'ordre de 1,5 milliards de dollars par an) octroyée à l'armée égyptienne n'a jamais servi à renforcer les capacités militaires du pays. Elle a permis, au contraire, aux officiers supérieurs de s'approprier des segments importants de l'économie égyptienne, au point qu'on parle en Egypte de « la société anonyme/armée » ( Sharikat al geish).
« Ce bloc social réactionnaire dispose d'instruments politiques à son service : l'armée et la police, les institutions de l'Etat, le parti politique privilégié (…) l'appareil religieux (l'Azhar), les courants de l'Islam politique (les Frères musulmans et les Salafistes). » C'est ce système, qui se base sur une machine policière de 1 200 000 hommes contre 500 000 soldats, qui a favorisé le raz-de-marée islamiste lors des dernières élections législatives égyptiennes.
Lors des événements de la Place Tahrir, les Frères Musulmans ont boycotté les manifestations les quatre premiers jours pour se rallier au mouvement une fois qu'ils ont réalisé que près de 15 millions d'Egyptiens étaient dans la rue. En face, les jeunes et la gauche radicale appelaient à la restauration de la démocratie, la fin du régime militaire et policier et à une nouvelle politique économique favorable aux classes populaires.
Samir Amin montre comment les Frères musulmans, passés à l'offensive, créent des « syndicats », des « organisations paysannes » et une kyrielle de « partis politiques » revêtant des noms divers, « dont le seul objectif est de diviser les fronts unis ouvriers, paysans et démocratiques en voie de construction, au bénéfice, bien entendu, du bloc contre-révolutionnaire ».
Il décortique le système des Frères, met à nu les mécanismes de son fonctionnement : « La direction est constituée exclusivement d'hommes immensément riches (grâce, entre autre, au soutien financier de l'Arabie saoudite, c'est-à-dire de Washington),l'encadrement par des hommes issus des fractions obscurantistes des classes moyennes, la base par des gens du peuple recrutés par les services sociaux de charité offerts par la confrérie (et financés toujours par l'Arabie saoudite), tandis que la force de frappe est constituée par les milices (les baltaguis) recrutés dans le lumpen. »
Dans son analyse géostratégique, Samir Amin impute aux Etats-Unis la volonté de faire avorter le mouvement démocratique en Egypte. Il se base sur l'alliance entre les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et Israël pour dire que l'Egypte est, dans ce système impérialiste, la pierre angulaire de la domination du monde. Adepte de la théorie de la conspiration, il va jusqu'à dédouaner les Egyptiens : « Le soutien de fait [de la part des Etats-Unis] à l'Islam politique annihile les capacités de la société à faire face aux défis du monde moderne (il est à l'origine du déclin catastrophique de l'éducation et de la recherche). » Samir Amin accuse les bloggeurs égyptiens, contestataires de la dictature, d'être manipulés –consciemment ou non – par la CIA qui agit pour renverser le sens du mouvement, éloigner les militants de leurs objectifs, créer des diversions et développer des arguments qui légitiment les Frères Musulmans.
Dans tout le livre, la révolution tunisienne a droit à un seul paragraphe dans lequel il lui dénie le terme « révolution » mais lui concède une influence sur les événements qui suivront en Egypte, en Libye, en Syrie et au Yemen : « La Révolte tunisienne a donné le coup d'envoi et certainement fortement encouragé les Egyptiens. Par ailleurs, le mouvement tunisien bénéficie d'un avantage certain : la semi-laïcité introduite par Bourguiba ne pourra sans doute pas être remise en cause par les islamistes rentrés de leur exil en Grande-Bretagne. Mais simultanément le mouvement tunisien ne parait pas être en mesure de remettre en question le modèle de développement extraverti inscrit dans la mondialisation capitaliste libérale ».
Concernant les autres pays, la Libye, la Syrie, le Yemen, Samir Amin est , encore une fois, adepte de la théorie du complot où il voit la main des Etats-Unis partout : la CIA serait intervenue à Deraa, les Frères musulmans syriens seraient inféodés aux américains, la Libye serait le champ privilégié pour maîtriser les richesses pétrolières et l'installation d'une base militaire pour l'Africom (le commandement militaires des Etats-Unis pour l'Afrique installé à Stuutgart).
Les analyses de Samir Amin n'ont pas changé. Il se dit toujours adepte du matérialisme historique. Son texte est truffé de concepts et de mots relevant de la terminologie marxiste. Mis à part l'impression du déjà vu relative à la méthode, l'analyse des rapports de force entre le Nord et le Sud reste pertinente même si cela le mène à rêver d'une « perspective authentiquement socialiste » où les peuples du Sud arrivent à conjoindre leurs forces à celles « des travailleurs des centres impérialistes ». Une certaine nativité politique l'a aussi mené à penser que Les « pauvres » qui ont participé à la révolution « peuvent donner l'impression (par les barbes, les voiles, les accoutrements vestimentaires) que le pays profond est « islamique », voire mobilisé par les Frères Musulmans. En fait, leur entrée en scène s'est imposée à la direction de l'organisation. » Les résultats des élections ont montré le contraire.
Samir Amin pense – comme Mao ! - que le « printemps arabe » est potentiellement porteur de cristallisation d'alternatives qui peuvent à long terme s'inscrire dans la perspective socialiste. Il s'interroge, en conclusion, sur la viabilité d'un « projet positif véritablement alternatif » qui tournerait le dos à la vision passéiste véhiculée par l'Islam politique et encouragée par les Etats-Unis et leurs alliés. Cette vision peut paraître réductrice, mais elle pose les jalons d'une réflexion sur l'avenir du monde arabe et spécialement sur la capacité des pays en révolution à accomplir les transformations nécessaires pour sortir des systèmes autocratiques et instaurer un véritable système démocratique.


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