Amel Hchicha dirige une usine de chaussures pour enfants. Réaliste et déterminée, elle suit au quotidien la production de son équipe. Soucieuse du détail, elle ne badine pas avec la qualité. Courageuse, elle résiste aux difficultés et s'arme de patience pour échapper aux affres du pessimisme. Bref, elle persévère bien que l'actualité économique n'a pas de quoi enchanter. Du côté de la banlieue-ouest de Tunis, est implanté le projet d'Amel Hchicha. Il s'agit d'une usine de chaussures pour enfants employant une dizaine d'ouvriers et d'un coût total de près de 300 mille dinars. En activité depuis un an, ce projet a connu, au commencement, plusieurs difficultés se rattachant aussi bien au financement qu'à la commercialisation du produit. Mais la promotrice qui a à son actif près de trente années d'expérience dans la gestion administrative parvenait à s'en sortir. « Le démarrage est ordinairement dur. J'ai commencé avec les moyens du bord dans un domaine où l'activité est saisonnière. Le domaine de la chaussure ne m'était pas très familier au départ, vu que j'ai déjà roulé ma bosse dans divers entreprises, dont Poulina, en tant que gestionnaire. Cela pour dire que techniquement , j'étais novice dans le domaine. Mais, volet gestion, il faut dire que j'étais armée de l'expérience qu'il faut pour diriger une entreprise ». La dame, à la volonté d'acier, a mis du temps pour connaître les différents rouages du secteur de la chaussure et constituer ses réseaux professionnels. L'adage — elle y croit fort — « à force de forger on devient forgeron ». Mais bien qu'elle pense que la détermination de l'homme est un atout majeur, elle ne perd pas de vue que seule l'union fait la force. « J'étais assistée par un professionnel qui a trente années d'expérience. Cet homme de confiance fait encore partie de mon équipe. Je pourrais même vous dire qu'il est mon bras droit. S'ajoute à lui une autre femme qui assure le contrôle de la qualité du produit. Elle ne tolère aucun défaut, même s'il est minime et insignifiant. Elle est exigeante et intransigeante, du point de vue qualité. C'est grâce à eux que notre produit est très compétitif ». La persévérance pour pallier les difficultés C'est en s'adonnant jour et nuit au travail que la dame a appris à connaître les dédales d'un microcosme passionnant, comme elle le trouve. La chaussure est ainsi, pour elle, plus qu'un objet. « Fournir aux gens, surtout aux enfants, de quoi se chausser ne se réduit pas au simple fait de l'assemblage de quelques pièces. Cela nécessite, néanmoins, un savoir-faire et une matière première de bonne qualité. La confection de la chaussure, c'est tout un monde qui a ses règles et ses exigences ». Les difficultés auxquelles fait face le projet de Mme Hchicha sont nombreuses et diverses. Mais la dame a pour souverain remède une passion, qui ne bat pas de l'aile, pour son métier. Pour elle, le travail est une valeur sûre et celui qui sème récolte, même si la récolte peut être souvent tardive. « A présent, je travaille sans répit pour couvrir mes dépenses et payer mes ouvriers. La qualité est mon premier souci. Le bénéfice, je m'en soucie peu. Car je suis résolument tournée vers l'avenir. Gagner la confiance et la satisfaction des clients est une condition sine qua non pour la survie et la rentabilité du projet. J'en suis convaincue ». La promotrice réalise, sinon, que les problèmes dont souffre le secteur de la chaussure sont d'ordre structurel. Le nombre réduit d'industriels de la chaussure, l'absence d'une main-d'œuvre qualifiée et le marché parallèle sont pointés du doigt. « Le plus grand des obstacles devant la promotion de l'industrie de la chaussure en Tunisie est le marché parallèle qui se montre de plus en plus phénoménal. On n'arrive pas à concurrencer les produits chinois commercialisés à des prix bas, qui n'acceptent aucune concurrence, quoique de point de vue qualité la balance est largement de notre côté. Personnellement, j'importe la matière première d'Italie et mes designs sont modernes et raffinés. Toutefois, je n'arrive pas à commercialiser mon produit auprès de commerçants qui optent pour le gain facile aux dépens de l'intérêt et de la satisfaction du consommateur ». Malgré les difficultés, Mme Hchicha ne compte pas jeter l'éponge. Forte d'un savoir-faire qu'elle ne cesse de développer, elle projette d'élargir son champ d'investigation pour atteindre les marchés libyen et algérien avant de se tourner vers d'autres marchés africains. Elle avoue, au demeurant, que sa féminité n'a jamais été un handicap et que les femmes devront jouer un rôle moteur dans le renouveau économique du pays.