Alors qu'un grand nombre d'organisations, associations et activistes sont venus en Tunisie, à l'occasion de la 12e session du Forum social mondial (FMS), manifester pour promouvoir des idées et des causes communes à l'échelle planétaire d'ordre social, écologique, économique, politique, idéologique, plusieurs autres militants ont débarqué à Tunis avec un seul objectif : plaider pour des causes régionales ou communautaires. La belle mosaïque dessinée par les milliers de manifestants venus des quatre soins du monde pour participer à la méga-marche de l'ouverture du FSM n'a pu que renforcer cette diversité des origines et des idées avec un brassage magnifique des couleurs des slogans et des langues. Eric Demmster, activiste autrichien (la soixantaine), de l'Association «Tendance marxiste internationale» que nous avons croisé à la grande marche jamais vécue par la capitale, nous a affirmé que son association est active dans plus de 41 pays. «On a parmi nous des Belges, Boliviens, Suisses, Canadiens, Marocains, Egyptiens, Russes, etc. Nous œuvrons pour promouvoir les révolutions socialistes. Nous soutenons tous les gens qui disent qu'il faut une deuxième révolution», a-t-il ajouté, alors qu'il était entouré d'un groupe de militants de son organisation de différentes origines de la même génération que lui. Juste devant eux, un cordon de jeunes représentant l'Oxfam International Youth Partnerships, comme l'a indiqué la banderole qu'ils tenaient, n'a pas arrêté de scander des slogans du genre «No more silence» (Plus jamais de silence). Samuel Kaïwr, un jeune Libérien, à peine la vingtaine, affirme que leur message consiste à revendiquer l'égalité des chances économiques, notamment l'emploi. «Spécialement pour la jeunesse du monde pour qu'elle puisse agir dans un climat de paix afin de rééquilibrer les choses sur tous les plans», a-t-il expliqué, ajoutant qu'une multitude de nationalités africaine, asiatique, européenne et autres ont adhéré à ce mouvement. Entre-temps et alors que la marche commençait à s'engager dans l'avenue Mohamed-V, quelques jeunes, à la Bob Marley, habits et coiffure, se faufilaient entre les cordons humains. L'un deux, Marwen, 19 ans, se présentant comme anarchiste, un drapeau sur lequel est inscrit «Anti Fasciste Action», à la main, affirme que cette manifestation n'est autre qu'une déviation de la réalité. «Je sens, a-t-il expliqué, que c'est une mise en scène pour exploiter la révolution à d'autres fins. Cependant, nous y participons pour voir ce qui se passe ailleurs». Famine, terre et autres causes Criant «Famine ! Arrêtez l'exploitation de l'Afrique !», Tolbert Thomas Jallah, un Libérien, la quarantaine, sac à dos plein de brochures, était plutôt concentré sur une seule cause: l'exploitation occidentale des richesses africaines. «L'Occident s'empare des terres et laisse les gens mourir de faim. L'Europe exploite l'Afrique, les politiques ont échoué et ce ne sont que les capitalistes qui en bénéficient aux dépens des peuples appauvris. Les gens perdent leur dignité. Il faut dire non au capitalisme dans toutes les occasions», a-t-il enchaîné, tout en distribuant ses brochures aux passants. Deux autres groupes de manifestants marchaient l'un derrière l'autre. Le premier, agitant des drapeaux algériens et formé en majorité de jeunes, protestait contre l'injustice et la dictature, comme le confirment les pancartes brandies: «Algériens libres, continuez le chemin», «Nous sommes encore des révoltés!», ont-ils scandé. Le second groupe est formé de familles marocaines. Miloud Chaouch, président de l'Association des Marocains victimes d'expulsion arbitraire d'Algérie depuis 1975, s'est étalé sur l'historique de cette affaire d'expulsion qui a engendré une séparation sauvage et forcée des familles mixtes et dont les conséquences sont encore ressenties dans les deux pays par plus de 45.000 familles. «On cherche la dignité. Il faut que les deux Etats prennent leurs responsabilités». Un peu plus loin dans les foules qui se succédaient, un important groupe de femmes et d'hommes sahraouis, tous en habit traditionnel, chantaient la liberté et la justice au Maghreb. L'un d'eux, Salek Mohamed Mouloud, drapeau sahraoui à la main, nous a affirmé que cet événement organisé à Tunis est une opportunité pour que les laissés-pour-compte s'expriment. «La Tunisie, mère des révolutions, nous a donné cette occasion pour passer ce message d'urgence quant au droit du peuple sahraoui de décider de son propre sort. Une cause juste que nous venons défendre et nous appelons le peuple tunisien de nous soutenir. Vive le peuple tunisien, militant et peuple de démocratie !», a-t-il ajouté. Grandes et petites, les foules ont défilé sur l'avenue Mohamed-V de 16h00 à 18h40. Une ambiance festive mais engagée aussi...