C'est une histoire de corruption qui remonte à 2010. SNC Lavalin, une firme d'ingénierie québécoise en exercice en Tunisie, est accusée d'avoir donné des pots-de-vin à Sakhr El Materi. L'on parle, en effet, d'une affaire de fraude qui a valu aux Tunisiens près de 30 millions de dollars (environ 50 millions de dinars). En 2010, le gendre du président déchu est intervenu pour l'attribution d'un contrat permettant à ladite firme la construction d'une centrale thermique à Sousse, dont le coût global est estimé à 320 millions de dollars (près de 500 millions de dinars). Ce, en contrepartie d'un pot-de-vin s'élevant à 10% du montant global de l'investissement en question. Mais cette affaire de corruption, très prisée ces derniers temps par les médias canadiens, semble être «prise avec beaucoup de précaution par les politiques de chez nous», comme le révèle un jeune homme tunisien établi au Canada. «Je n'ai aucune appartenance partisane. Je suis venu vous voir pour témoigner en simple citoyen dont la conscience est tourmentée et qui constate n'être pas le seul à éprouver cette lourde gêne et cette angoisse face à une affaire de corruption», avance notre interlocuteur, tout en exigeant de garder l'anonymat, de crainte de faire l'objet de «tel ou tel harcèlement». Tel était le cas, selon lui, de son collègue qui «a osé parler». Comme le rapportent des organes de presse canadiens, dont RDI et La Presse de Canada, la Commission d'investigation sur la corruption et les malversations (CICM) aurait trouvé un document accablant pour l'entreprise québécoise dans les archives du palais de Carthage. Ce document serait adressé par un haut cadre de SNC à Sakher El Materi, à propos de la construction d'une centrale thermique. L'homme qui serait le trait d'union entre la firme et le gendre du président déchu est un ancien haut dirigeant au sein de la même entreprise. Il s'agit de Riadh Ben Aïssa qui a la double nationalité tuniso-canadienne. Ce dernier a été récemment arrêté en Suisse, puis extradé aux services canadiens concernés. On lui reproche, selon des médias canadiens, des actes de fraude et de malversation. En plus de son implication aux côtés de Kébir Ratnani, vice-président principal du département chargé du développement des affaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient de SNC-Lavalin, qui serait le mandataire pour gérer la luxueuse résidence de Sakhr El Materi, située à Westmount, quartier huppé de Montréal. Pour revenir à la cause de notre interlocuteur—bien évidemment celle de tous les Tunisiens—, puisqu'il s'agit d'un gaspillage illégal et illégitime de biens publics, il faut dire que les Tunisiens établis au Canada œuvrent, dans les limites du possible, à pousser les autorités canadiennes à rendre justice à la patrie et au peuple tunisien. «Moi et certains autres amis vivant au Canada venons de lancer une action sur internet baptisée Collectif Montréal afin de pousser dans le sens d'une récupération des 30 millions de dollars dont a bénéficié El Materi auprès de SNC-Lavalin. Après tout, c'est l'argent du peuple tunisien qui traverse une période de crise économique et sociale. Mais, il faut dire qu'en l'absence de preuves inculpant cette entreprise, nous ne pouvons rien faire. Les parties compétentes tunisiennes sont appelées à bouger, avant qu'il ne soit trop tard». De surcroît, notre interlocuteur avance n'avoir ménagé aucun effort avec la collaboration d'autres Tunisiens évoluant au Canada pour mieux sensibiliser le reste de leurs concitoyens à cette affaire. «Lors de notre première rencontre avec le nouvel ambassadeur qui vient de débarquer à Ottawa, en provenance d'un pays africain, nous lui avons parlé de cette affaire. Ils nous a promis de se pencher sérieusement sur la question. Mais, là nous remarquons que ça n'a pas évolué depuis. Voilà pourquoi je suis venu vous voir». Il y a lieu de noter, par ailleurs, que SNC-Lavalin a payé, selon Radio Canada, 160 millions de dollars, dont une partie à Saâd Kadhafi qui aurait transité par les comptes de Riadh Ben Aissa. Conformément aux informations véhiculées par la même source, la même entreprise aurait été derrière un complot pour faire entrer illégalement Saâd Kadhafi au Mexique. Ce qui donne à lire que cette entreprise, en cas de confirmation de ses pratiques mafieuses, peut constituer un danger de taille pour non seulement l'économie mais aussi pour la sécurité nationale. Contacté à ce sujet, le ministère des Affaires étrangères s'est contenté de répliquer que «ses services compétents suivent minutieusement tous les dossiers, mais s'abstiennent d'en parler dans les médias». Par-delà, il serait salutaire que notre ambassade au Canada procède à une mise à jour de ses coordonnées afin de maintenir le contact avec ceux qui sollicitent ses services. On a, à maintes reprises, vainement tenté de la contacter hier. Sinon, nous demeurons dans l'attente de la réponse du ministère de la Justice. Une affaire à suivre.