Depuis la Révolution et jusqu'à présent, on n'arrête pas de parler de l'ampleur des dossiers de corruption, de malversation et d'escroquerie dévoilés après la chute de Ben Ali. Aujourd'hui nombreux sont ceux qui interpellent le gouvernement et la société civile pour mettre fin à cette hémorragie de corruption qui gangrène tous les secteurs et notamment le secteur du marché public, un terrain à la prolifération des les pots de vin. Après la Révolution, beaucoup de gens croyaient qu'on avait fini une fois pour toutes avec ces pratiques malsaines après la levée de la mainmise de la famille Ben Ali sur l'économie nationale. Malheureusement, rien n'indique qu'on est en train de se départir de ces pratiques mafieuses. Il est difficile de rompre avec ce phénomène devenu séculaire qui touche la société, de la base au sommet. Et c'est le cas du litige opposant la société canadienne SNC-Lavalin et l'entrepreneur tunisien Wajdi Chotrani, qui l'accuse de corruption. Voici l'histoire telle que rapportée par le site « lapresseaffaires ». « Après ses déboires en Libye, SNC-Lavalin se retrouve dans l'embarras en Tunisie. Un entrepreneur tunisien a intenté une poursuite contre la firme montréalaise, qu'il accuse d'avoir eu recours aux pratiques employées sous l'ancien régime pour écarter son entreprise d'un projet de construction d'une centrale thermique. Wajdi Chortani, directeur général de la firme de construction Enco, soutient que son entreprise a été érayée du projet à la dernière minute, bien qu'elle ait été sélectionnée parmi 47 autres au terme d'un appel d'offres lancé par SNC-Lavalin pour la réalisation de travaux dans le chantier de Sousse. M. Chortani affirme qu'on a exigé de lui un pot-de-vin en contrepartie de ce contrat de sous-traitance. «On m'a dit: tu me donnes, tu travailles. Tu ne me donnes pas, tu ne travailles pas», révèle-t-il dans une communication téléphonique. M. Chortani n'avait pas signé de contrat en bonne et due forme avec SNC-Lavalin. La firme avance avoir rejeté sa candidature au cours d'un processus normal de sélection. «Je peux vous confirmer que nous avons suivi le processus habituel d'appel d'offres pour ce projet», assure Leslie Quinton, porte-parole de SNC-Lavalin. M. Chortani rétorque qu'on lui a demandé 150 000 dinars (120 000 $) au moment de la signature du contrat. Il a refusé net. «On a fait la révolution en Tunisie pour éliminer ce genre de pratique», déplore l'entrepreneur. «Au début, j'étais très content de travailler pour une société canadienne, parce que j'ai une idée des Canadiens comme étant honnêtes, professionnels et propres, mais ce n'est pas le cas avec SNC-Lavalin», dit M. Chortani. L'entrepreneur a intenté sa poursuite le 3 mars devant un tribunal de Sousse dans l'espoir de récupérer les pertes qu'a subies Enco dans cette mésaventure. À deux reprises, en février, M. Chortani et ses employés ont manifesté devant le chantier de SNC-Lavalin à Sousse. Peu après, Anis Mahmoud, responsable du chantier, a été muté au bureau principal de Tunis. Avant l'insurrection de février 2011, Anis Mahmoud était responsable du chantier de l'aéroport de Benghazi, le projet le plus important de SNC-Lavalin en Libye. «Dans tout projet, il peut arriver que des changements organisationnels aient lieu dans l'équipe de gestion», dit Mme Quinton. Mais Anis Mahmoud a aussi suscité des mécontentements dans un autre chantier, en Libye celui-là. Avant l'insurrection de février 2011, M. Mahmoud était responsable du chantier de l'aéroport de Benghazi, le projet le plus important de SNC-Lavalin en Libye. Selon Jamal Beitelmal, ancien directeur du projet aéroportuaire au ministère libyen des Transports, l'équipe tunisienne dirigée par M. Mahmoud faisait preuve d'un manque flagrant d'expérience et de compétence «à tous les niveaux de l'organisation». SNC-Lavalin a confié en mars avoir perdu la trace de 56 millions de dollars versés à des intermédiaires dans deux projets dont l'entreprise a refusé de révéler la teneur. Pour l'un des projets, des paiements totalisant 22,5 millions avaient été faits en 2010 et 2011 par l'intermédiaire de la filiale tunisienne de SNC-Lavalin. Riadh Ben Aïssa, grand patron de la firme en Afrique du Nord, avait autorisé ces paiements suspects. Il a quitté la firme en février, « poussé » par le PDG Pierre Duhaime en mars. »