Par Ezzeddine BEN HAMIDA Au-delà des dures réalités sociales et économiques que traverse notre patrie depuis plus de deux ans, un climat de fin de règne pèse sur le palais de Carthage ! Les citoyens parlent des dérives verbales et déclarations hasardeuses et hardies du président : «Ceux qui pensent prendre le pouvoir par un coup d'Etat ou une deuxième révolution...des potences et des guillotines leur seront érigées», a-t-il déclaré sur la chaîne satellitaire Al Jazira lors d'une conférence à Doha ayant pour thème «Quelle démocratie pour les pays arabes?». L'opposition ironise sur son pouvoir et le manque de ses prérogatives. Même ses conseillers les plus compétents l'ont déserté ; son parti, le CPR, s'est désagrégé devant ses yeux, impuissant. Les journalistes remuent le couteau : «Etre président de tous les Tunisiens n'autorise nullement, ne serait-ce en marge d'activités officielles, d'étaler les différences et les sujets qui divisent les Tunisiens sur des plateaux de télévision. Le droit de réserve impose au titulaire de ce poste d'être rassembleur et, surtout, la personne à qui revient la responsabilité de promouvoir la Tunisie, son modèle, sa révolution et ses acteurs politiques, non ses divisions et ses dissensions», écrit, avec beaucoup de rectitude, Nejib Ouerghi (La Presse, dimanche 31 mars 2013), pour ne citer que lui. Beaucoup d'autres affaires jettent, hélas, désormais le discrédit sur le Président: - L'invitation controversée au palais de Carthage de Béchir Ben Hassen, un fondamentaliste suranné qui agace et irrite tout démocrate –quelle honte?—; - la facture assez salée pour le contribuable tunisien des voyages présidentiels; - le nombre des «conseillers» et surtout la question qui exacerbe les Tunisiens, à savoir : sont-ils au moins tous compétents ? Ont-ils les titres et l'expérience qui incombent à de telles fonctions ? Etc. A en juger par les déclarations de certains sur les plateaux de télévision et de radio –où ils passent d'ailleurs beaucoup de temps — et les «déboires» actuels qui secouent la présidence, le doute est franchement fort légitime... ! Et pourtant, Moncef Marzouki et ses «conseillers» sont convaincus que leurs «déboires» sont sans effet sur l'électorat. Assuré d'être présent dans la prochaine bataille électorale, le président provisoire «sortant» n'en démord pas. En effet, le ton utilisé lors de ces récentes déclarations était menaçant mais aussi plein de certitude et de conviction. S'agit-il d'un déni de la réalité ou à ce point berné par ses «conseillers» ? Nous déplorons que depuis son accession à la magistrature suprême, le président provisoire «sortant» s'est laissé enfermer dans l'isolement de Carthage. Le phénomène de cour, inhérent à la fonction, aggravé par l'emprise néfaste de certains «conseillers», ne l'incitera pas aux nécessaires remises en question. Ni potence ni guillotine Nous ne rétorquerons pas à la barbarie par la barbarie, Nous ne répliquerons pas au crime par le crime, Nous ne répondrons pas à la haine par la haine La guillotine est une pratique barbare propre aux Français, «Patrie des droits de l'Homme» n'est-ce pas ? Entre 1972 et 1997, 13.046 hommes, femmes, adolescents (le plus jeune guillotiné avait à peine 14 ans) et vieillards (les plus âgés sont deux femmes de 92 ans !) furent exécutés. Le peuple de Tunisie est un peuple civilisé, raffiné, perspicace et ingénieux. Nous n'avons absolument rien à voir avec de telles pratiques, une telle barbarie. Notre révolution est assez singulière par ses mécanismes mais aussi par son processus d'aboutissement : une véritable leçon de civisme pour l'humanité entière. Les Tunisiens ne commettront pas les mêmes crimes commis par la révolution française. Une révolution gorgée de sang, qui s'est retournée contre ses propres enfants (voir à ce titre l'excellent ouvrage de Reynald Secher, Vendée : du génocide au mémoricide, Les Editions du Cerf, 2011). Ce qui est sûr monsieur le président, des procès, conformément aux règles et aux garanties internationales, auront lieu et tous les responsables qui ont cherché et qui cherchent encore à précipiter notre patrie vers l'inconnu seront démasqués, dénoncés et jugés. Les procès ne porteront pas uniquement sur les assassinats et les crimes politiques mais aussi sur les emplois fictifs et les pseudo-«conseillers».