L'Institut tunisien des études stratégiques (Ites) commence à s'ouvrir sur son environnement géopolitique, dans une tendance à épouser son temps, à l'aune d'un nouveau contexte révolutionnaire. C'est pour la première fois depuis sa création en 1993, sous l'ancien régime, que l'Ites a tenu, hier matin à Tunis, une conférence de presse au cours de laquelle son directeur général, M. Tarek Kahlaoui, vient de donner un aperçu sur les orientations futures de l'institut, à la lumière de sa restructuration, déjà en cours de finalisation. L'Ites d'hier et d'aujourd'hui, comme l'a bien montré M. Kahlaoui, se veut une véritable transition d'une dictature révolue vers une démocratie naissante. Autant dire un changement de rôle et de visions, dans une nouvelle dynamique de développement et de prospection de l'avenir. Selon lui, la perception des faits et de la réalité tire sa juste valeur du caractère même de l'institut et de sa principale vocation, en tant qu'institution étatique relevant de la présidence de la république. Cet organisme est, en fait, considéré comme une force de proposition stratégique dans la politique sectorielle du pays, mais aussi un mécanisme en mesure d'anticiper l'avenir dans toutes ses dimensions nationale, arabe et internationale. Cette nouvelle perception, insite-t-il, a pour fondement les priorités de la révolution et les exigences socio-économiques de l'étape actuelle et celle des années à venir, tout en prenant en considération l'incontournable enjeu d'un développement solidaire et équitable. Pour l'histoire, l'orateur a tenu à rappeler que l'Ites n'a jamais eu le souci de servir l'intérêt général du pays, ni les bons réflexes de repenser le présent et voir encore plus loin, dans la perspective de cerner les défis de demain. Il était, plutôt, constamment au service de l'Etat-parti, aux fins de satisfaire les convoitises politiques et idéologiques. Et le responsable de juger qu'il s'agissait, également, d'une institution qui avait consacré les abus et le despotisme du régime déchu. Aujourd'hui, reprend-il, l'Institut aura à faire de son mieux pour qu'il ne soit pas instrumentalisé par quiconque ou un outil de propagande politique et électorale. Sa restructuration est de mise, du moment que les grandes questions d'actualité commandent nécessairement une réforme stratégique de fond en comble. Cela exige, par ailleurs, d'autres conditions préalables, s'agissant du fait de doter l'Ites d'un statut et d'un budget financier qui soient en phase avec ses objectifs, dans la limite du possible. Contrairement à celui accordé par le passé, l'actuel budget annuel, a-t-il révélé, ne dépasse pas les 400.000 dinars, ce qui est aussi trop peu pour pouvoir recruter des experts chercheurs et réussir les prévisions d'études engagées dont le nombre serait prochainement de cinq études par an. Soit plus de celles effectuées sous le règne de Ben Ali. Et M. Kahlaoui d'évoquer, pour la petite histoire, que le revenu annuel du directeur général de l'Ites a été estimé à 90.000 dinars, sans pour autant y ajouter certains privilèges supplémentaires. «Ce revenu est revu à la baisse, soit le tiers du total reçu...», a-t-il indiqué. Selon ses dires, l'Ites prévoit de s'organiser autrement, en mettant le cap sur la polarisation des compétences, la formation et la communication. Son portail électronique a déjà vu le jour depuis avril 2012. Pour conclure, M. Kahlaoui a souligné que les études stratégiques de l'institut seront mises à la disposition du pouvoir législatif pour en tirer profit. Volet prospection, l'activité de l'Ites sera, désormais, rehaussée par la mise en place de deux départements de recherche-développement, à savoir les enquêtes géopolitiques et celles économiques. Les premières, qui ont été présentées par M. Zouhaïer Ismaïl, directeur au sein de l'institut, ont trait aux phénomènes brûlants supposés inquiéter l'opinion publique et menacer la stabilité du pays. Il s'agit, entre autres, de la question salafiste, du développement rural, du commerce parallèle et de l'université et l'employabilité. Parmi ces enquêtes, certaines ont été réalisées, d'autres sont en cours d'étude ou encore en gestation. Pour sa part, M. Mohamed Mabrouk, également directeur à l'Ites, a énuméré d'autres projets en vue, tels que les causes du déficit budgétaire et les solutions à proposer, l'endettement, la contrebande et l'état des lieux de la caisse de compensation, à la lumière de la hausse des prix des hydrocarbures et des produits alimentaires de base. Avec autant de défis à relever à court et à long termes, l'Institut tunisien des études stratégiques aura beaucoup à faire, sans tomber sous la coupe de l'idéologie ou de la politique.