Un conseil de presse a pour mission essentielle d'instaurer la confiance et la crédibilité dans les médias. Le projet d'un conseil tunisien est en cours de préparation par les représentants tunisiens d'Article 19. Si dans le monde, l'autorégulation a été inventée par les journalistes essentiellement, c'est parce qu'elle aide à préserver la crédibilité des médias auprès du public et permet de le convaincre que des médias libres et indépendants ne sont pas irresponsables. Cette démarche selon laquelle les journalistes s'imposent volontairement des règles déontologiques et s'engagent à s'y conformer et à s'en imprégner dans l'exercice de leur profession semble plus que jamais nécessaire en Tunisie où la liberté d'expression est un phénomène récent, né avec la révolution. Les mécanismes d'autorégulation dans le secteur de la presse écrite vont des chartes internes à l'institution du médiateur et au conseil de presse. C'est autour du projet de la création d'un conseil de presse en Tunisie que s'est déroulé hier à l'Hôtel le Belvédère à Tunis un débat organisé par Article 19, en présence de journalistes et de représentants de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux. Présentant les prérogatives et le fonctionnement des conseils de presse, tels qu'ils existent en Belgique, au Canada, en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et dans d'autres pays du monde, Hichem Senoussi, représentant d'Article 19 en Tunisie, a insisté sur le caractère associatif et à but non lucratif de cette structure. Un conseil de presse qui sert essentiellement à instaurer la confiance dans les médias, à améliorer l'application de la déontologie journalistique, à réduire par la médiation le nombre des procès contre les journalistes et à prévenir l'ingérence de l'Etat dans le domaine des médias pourrait ancrer dans les pratiques la liberté d'expression. Et mettre de l'ordre dans un domaine qui, à défaut d'une activation des décrets-lois 115 et 116 mis en place par l'Inric, a connu beaucoup de dépassements ces deux dernières années. Un conseil de presse, qui comprend des représentants des journalistes, des éditeurs et des patrons de médias et des membres de la société civile, est indépendant du pouvoir politique. Il a principalement pour mission d'examiner les plaintes concernant les infractions au code déontologique. La discussion a abordé ensuite les modalités de financement de cette structure. Ainsi que des questions liées au contexte tunisien où la transparence financière et la gouvernance interne au sein des médias posent encore problème. «Doit-on attendre que les organes de presse révisent leur mode de fonctionnement pour initier un tel mécanisme d'autorégulation ou faire avec ce contexte de transition démocratique en espérant que le lancement du conseil fera avancer les choses vers le mieux ?», se sont interrogés les participants à la réunion. «Le risque, tout le risque, consiste à ce que le vide juridique actuel soit comblé par des lois liberticides à l'encontre de la liberté de la presse», a insisté Hichem Senoussi. Même si beaucoup de pays démocratiques, comme la France, n'ont pas réussi jusqu'ici à installer un conseil de presse, la création d'une telle instance en Tunisie incarnerait un signe fort à l'égard de l'opinion publique. Une preuve que ce sont les journalistes et non pas les pouvoirs publics qui inventent et appliquent les instruments de régulation de leur métier.