Le congrès national se déroulera du 5 au 7 juillet 2013 Certains visent déjà le secrétariat général du parti Des rapprochements avec l'Alliance démocratique et le Parti du travail C'est par la lecture d'un communiqué final mal rédigé et balbutié par Mohamed Bennour, porte-parole du parti, que le parti Ettakatol a achevé hier les travaux de son Conseil national qui s'est étalé sur deux jours à Nabeul, et auquel ont pris part 140 membres parmi lesquels les ministres et les députés du parti. Le Conseil national a décidé à 50 voix contre 7 de fixer la date du congrès pour les 5, 6 et 7 juillet 2013, et a, selon les termes du communiqué final, «défini les grandes lignes en vue du prochain congrès». Se préparer aux échéances futures Dans une ambiance sereine, sans tension ni engouement particuliers, les membres du Conseil national ont travaillé au sein de 4 ateliers qui ont abouti à des propositions devant être entérinées par le bureau politique d'Ettakatol. Il s'agit notamment de l'amendement de la loi électorale du parti dans l'optique d'une plus grande représentativité des structures régionales et de la présence féminine lors du prochain congrès national, ainsi que de l'amendement du règlement intérieur du parti, devenu «archaïque» compte tenu des changements politiques majeurs que la Tunisie a connus après la révolution du 14 janvier et au lendemain des élections du 23 octobre 2011. Notons à ce titre que les nominations fixées par le congrès national de 2009 prennent fin le 30 mai 2013. Pour Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général du parti, ce Conseil national s'inscrit dans une nouvelle étape que le parti se doit de réussir, c'est-à-dire les préparatifs des prochaines échéances électorales que connaîtra le pays après l'adoption de la Constitution. «Je suis confiant pour l'avenir du parti, depuis la formation du nouveau gouvernement et la reconnaissance du rôle joué par Ettakatol pour assurer notamment la neutralité des ministères régaliens , la confiance des militants est revenue. Il y a certes des électeurs perdus mais il y a aussi des électeurs que nous avons gagnés, il y a eu un transfert en termes d'électorat et les sondages sérieux le disent, ce qui fait qu'en termeS de volume, Ettakatol n'a rien perdu», explique à La Presse le président de l'Assemblée nationale constituante. Il ajoute qu'à la fin du parachèvement de la rédaction de la Constitution, les Tunisiens «verront le résultat. Beaucoup de personnes hésitantes vont revenir au bercail avec le même enthousiasme», allusion faite à de grandes figures du parti, qui ont choisi de prendre leurs distances. Des erreurs de communication Dans son mot de clôture, Mustapha Ben Jaâfar n'a pas exclu l'idée d'un front électoral sur la base d'un projet commun et cite à ce titre l'Alliance démocratique et le Parti du travail, comme des partenaires potentiels dans une campagne électorale qui sera axée, selon lui, sur le bilan du mandat passé ainsi que sur les propositions socioéconomiques. «Le parti a fait des choix responsables pour le bien du pays» : les dirigeants du parti ne cessent de le répéter à leurs militants, mais le parti y a laissé «des plumes». Pour Elyes Fakhfakh, ministre des Finances et membre du bureau politique d'Ettakatol, le parti a toujours travaillé dans «le silence et la recherche du compromis». Ce que déplore Sami Razgallah, membre lui aussi du bureau politique qui estime qu'il est temps de commencer à communiquer et à expliquer aux électeurs qui ont tourné le dos au parti les raisons des choix politiques : «Aujourd'hui, nous entrons en précampagne», nous dit-il. Quant à Lobna Jeribi, constituante et membre du parti, elle se dit «frustrée» du manque de visibilité du parti dans l'opinion publique. «Nous tavaillons énormément au sein de la Constituante et ailleurs mais notre travail n'est pas toujours perceptible et il y a même certaines formations politiques qui récupèrent à leur compte nos réalisations», précise-elle. Les multiples démissions, y compris dans les rangs des constituants, n'ont pas arrangé les choses, et ont même «affaibli la position du parti», selon Mohamed Moussaed, secrétaire général de la fédération de Ben Arous. Les officiels du parti semblent convaincus «que les Tunisiens comprendrons à terme les positions prises par le parti» et lui redonneront confiance lors des prochains scrutins, même si certaines voix présentes, pensent que c'est peut-être un peu tard pour espérer reconquérir l'électorat, et surtout les jeunes d'entre eux. Des jeunes «révolutionnaires» et un leadership contesté C'est palpable, les jeunes militants du parti, notamment les Jeunes socialistes démocrates (JSD), ne sont pas particulièrement contents des dirigeants actuels , et se situent d'ailleurs «beaucoup plus à gauche que la ligne officielle du parti», avoue Nidhal Ben Khlifa, trésorier du JSD, qui admet que «plusieurs jeunes électeurs n'ont pas compris la position prise par Ettakatol au lendemain des élections». En coulisse, certains disent attendre le prochain congrès pour «faire une révolution au parti» et «faire dégager» non sans démocratie, les dirigeants actuels. Des noms circulent quant à d'éventuels successeurs de Mustapha Ben Jaâfar. Certains ont déjà les yeux rivés sur le poste. Sous le couvert de l'anonymat, un membre du Conseil national nous cite les noms de Abdellatif Abid et de Mouldi Riahi, mais celui qui jouit d'une popularité parmi les militants de base est, selon la même source, le ministre des Affaires sociales Khalil Ezzaouia. «Si une de ces personnalités se présente contre Mustapha Ben Jaâfar lors du prochain congrès, ce dernier sera certainement battu», nous dit-il, révélant ainsi la perte de popularité du président de l'ANC au sein de ses troupes. Trois questions à : Mustapha Ben Jaâfar : Je pense avoir fait ce qu'il fallait Quel bilan pouvez-vous faire à présent de votre présidence du parti et de l'ANC ? Il y a forcément des erreurs qui ont été commises, mais je pense avoir fait ce qu'il fallait, globalement je suis satisfait. C'est vrai que mes postions ont toujours été prudentes, je n'ai jamais cherché les coups médiatiques. Mais quand on fait un bilan, on le fait de manière objective et au bon moment. Le bon moment c'est lorsque nous aurons passé ce cap difficile de l'histoire de la Tunisie et on verra comment réagiront les différents partenaires. Je laisse le soin aux commentateurs et analystes de juger, et aussi aux électeurs qui se prononceront lors des prochaines élections. Au vu des alliances qui sont en train de se faire, Ettakatol n'est-il pas devenu un petit parti ? Les alliances qui sont en train de se faire sont souvent contre nature et on voit mal l'harmonisation dans ces arrangements. Je reproche à certains de se rassembler contre quelque chose plutôt que de se rassembler autour d'un projet, mais c'est leur affaire. En ce qui concerne mon parti, je considère qu'il est le plus représentatif de la société tunisienne qui est dans la modération et l'enracinement arabo-musulman tout en étant ouverte sur la démocratie, sur les libertés et sur l'autre en général et je pense qu'en réfléchissant, beaucoup de monde finira par se retrouver dans ce parti qui a été présent pendant la lutte contre la dictature mais aussi après la révolution en optant pour les bons choix dans l'intérêt de la nation. Les dates fixées sont-elle tenables? Elles sont tenables dans la mesure où elles sont déjà consensuelles, malgré tout ce qui se dit dans certains médias et sur la bouche de certains responsables politiques. Ces dates, ce n'est pas moi qui les ai fixées, elles ont été fixées au terme d'une concertation avec les différents groupes parlementaires. Maintenant, tout dépend de la bonne volonté des forces politiques en présence. Ne pas respecter le calendrier, le risque existe théoriquement, mais à partir du moment où il y a une volonté politique chez tous les partenaires de tenir ce pari, alors ce pari sera gagné. Nous sommes en train de travailler dans le respect de cet agenda en tout cas. Propos recueillis par K.B.S