La réglementation, la doctrine et même la littérature n'ont pas fixé de pourcentage ou seuil à partir duquel l'actionnaire est rangé dans la catégorie des minoritaires Les détenteurs des actions dans le capital social d'une entreprise n'ont pas les mêmes droits. En effet, les petits porteurs déplorent la marginalisation, la difficulté d'accès à l'information et la faible représentation dans les conseils d'administration. Pour débattre de la protection des droits des actionnaires minoritaires, le Centre Tunisien de Gouvernance d' Entreprise (Ctge) a organisé une table ronde à l'Institut arabe des chefs d'entreprise. Le constat est flagrant. «Les petits porteurs ne représentent que 4,7% de l'ensemble des administrateurs», estime le président du Ctge, M Fayçal Derbel. Etudes à l'appui, il démontre qu'on devrait compter 63 administrateurs représentant les petits porteurs dans les 35 sociétés cotées en Bourse, en dehors des établissements de crédits, soit 22% des sièges dans les conseils d'administration. Cependant, seulement 14 sièges sont, jusque-là, réservés aux actionnaires minoritaires. Cette faible représentation fait que le petit porteur «n'intervient pas dans la prise de décision, ne participe pas à la direction et n'influe ni sur l'objet social ni sur la gestion de l'entreprise», énumère le président du Ctge. Déjà, la frustration de ces actionnaires se manifeste à maintes reprises par des réactions intempestives et parfois violentes, lors des assemblées. « Se sentant délaissés, livrés à eux-mêmes, certains actionnaires profitent de ce moment de détente pour fulminer contre les dirigeants», justifie l'expert. Des défaillances multiformes L'arsenal juridique n'était vraisemblablement pas en mesure de protéger les petits porteurs. De prime àbord, «La réglementation, la doctrine et même la littérature n'ont pas fixé de pourcentage ou seuil à partir duquel l'actionnaire est rangé dans la catégorie des minoritaires», rappelle l'expert. D'ailleurs, dans une logique de droit, la réglementation évoque une catégorie d'actionnaires qui détiennent de 3 à 5% du capital social. «On ne peut pas ranger dans cette catégorie de petits porteurs le détenteur d'un faible pourcentage, ne dépassant pas 1%, dans le capital d'une banque», critique M Ahmed Ben Jomaa, directeur général de Smart Asset Management. En effet, la somme équivalente à ce pourcentage pourrait excéder l'intégralité du capital social de plusieurs entreprises. De même, le droit d'accès à l'information et de se procurer des copies des documents est facilement détourné. «Les mesures de protection des petits porteurs sont sans substance», selon M. Derbel. Pour ce qui est de la place boursière, malgré les nombreuses mesures prises depuis 1994, il le qualifie de «marché étriqué et anémique». S'agissant des recommandations, l'expert plaide pour l'obligation des entreprises qui font appel public à l'épargne de désigner un administrateur représentant les petits porteurs. Le Conseil du Marché Financier se charge, dans cette perspective, de donner les instructions générales qui réglementent les élections des administrateurs. Parallèlement, l'expert encourage la création d'associations de petits porteurs. Et pour lutter contre la dictature des gros porteurs, il recommande vivement de restituer le plafond de mandats des administrateurs pour une même personne physique. «Il est difficile de prétendre développer un marché financier efficace et intégré dans un environnement d'entreprises opaques et qui ne protège pas les droits et les intérêts des actionnaires minoritaires», résume le directeur de Smart Asset Management.