On a tendance à dire que l'agriculture intensive est la plus productive en comparaison avec l'agriculture paysanne. En réalité, c'est tout l'inverse, selon Lydia et Claude Bourguignon, qui ont tenu une conférence sur le rôle de la biologie du sol en agriculture, le 12 avril 2013 à Tunis. «L'agriculture intensive a simplement permis à l'Homme de pouvoir cultiver de grandes surfaces, avec peu de main-d'œuvre», explique Lydia Bourguignon. Au niveau du rendement à la surface, l'agriculture paysanne est, selon elle, plus performante que l'agriculture intensive. «Heureusement que dans certains pays comme la Chine, on continue à produire de manière artisanale », affirme la scientifique. Avec le même type d'agriculture qu'aux Etats-Unis d'Amérique, la Chine mourrait de faim selon elle. «C'est faux de dire que l'agriculture intensive permet de nourrir le monde», relève l'agronome. «Actuellement, un milliard de personnes sont sous-alimentées et deux autres milliards présentent des carences en oligoélément». Avec l'agriculture intensive, l'Europe a perdu sa sécurité alimentaire depuis 1960, affirme Claude Bourguignon. «Nous ne sommes plus capable de nous nourrir », dit-il. L'Europe serait, en effet, le premier importateur mondial d'aliments. Elle exporte le maïs et les céréales, mais importe la viande, les fruits et les légumes. Pas assez productive, l'agriculture intensive n'est pas non plus durable. «Deux milliards d'hectares de désert ont été créés en 6.000 ans d'agriculture. Au cours de ce dernier siècle, on a détruit un milliard d'hectare de sol arable», affirme Lydia Bourguignon. Semis direct sous couvert Il est temps, selon Lydia et Claude Bourguignon, d'abandonner une agriculture basée sur la consommation massive d'énergies fossiles, d'engrais de synthèse et de pesticides, pour une autre. «La solution ne serait pas de revenir à l'âge de pierre», déclare Lydia. Les deux agronomes prônent l'utilisation des connaissances et des avancées scientifiques pour définir les bases d'une agriculture alternative, respectueuse de l'environnement. Les deux scientifiques ont présenté la technique du semis direct sous couvert. Elle consiste à implanter une culture intermédiaire entre la moisson et le prochain semis. Ce type de culture permet de préserver la structure du sol et sa biodiversité, tout en le protégeant des fortes pluies et des températures élevées. Dans certains cas, elle permet de réparer des sols détruits. Si cette culture exige un investissement au départ, à long terme, elle permet de faire plus de profits. «Dans certains pays, la plante de couverture est une plante de production. C'est-à-dire qu'on va pouvoir faire deux récoltes au lieu d'une. Donc à ce moment-là, on peut y gagner énormément», explique Lydia Bourguignon.