Par Anis KABOUB* Actuellement, les systèmes de sécurité sociale et de retraite en Tunisie sont en situation de déficit financier, et cela est dû au nouveau contexte démographique et économique défavorable caractérisé par le vieillissement de la population tunisienne, par la baisse de la croissance économique et la montée du chômage. Par ailleurs, les dégâts engendrés par la récente révolution tunisienne ont eu de lourdes conséquences négatives sur notre système de retraite. En effet, cette dernière a provoqué des destructions d'usines et de plusieurs centres commerciaux, la fermeture de nombreuses sociétés et d'hôtels, le déclin du secteur touristique, le licenciement de milliers de salariés, et par conséquent cela a fait entrer la Tunisie dans une phase de récession. Avec, en 2011, un taux de croissance économique négatif de -2% et un taux de chômage record de 19%, cette crise économique a donc amplifié le déséquilibre financier de notre système de retraite. Aujourd'hui, le déficit financier du régime général de retraite en Tunisie a atteint 90 millions de dinars, et celui du secteur privé 50 millions de dinars, et ces déficits vont encore s'amplifier dans les années à venir. En outre, les solutions ponctuelles envisagées par les autorités publiques tunisiennes telles que la hausse du taux de cotisation, ou le recul de l'âge de la retraite ne seront pas suffisants pour résoudre le problème de financement de notre régime de retraite. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de réformer d'une manière profonde et solide notre système de retraite. En fait, la Tunisie doit s'inspirer des différentes expériences étrangères réalisées en matière de réforme des retraites dans les pays émergents, car elles ont bien réussi. Cette réforme des retraites a consisté soit en l'introduction d'un pilier capitalisé obligatoire à côté du régime de retraite par répartition existant (Pologne, Hongrie...), ou en un système entièrement financé par capitalisation (Chili, Bolivie...). Celle-ci a connu un large succès grâce au rendement satisfaisant du système capitalisé (Chili 12%, Hongrie 11%), et à l'impact positif du pilier capitalisé sur le développement financier et économique des pays émergents. Ainsi, la Tunisie doit imiter cette réforme des retraites et donc elle doit introduire une dose de capitalisation dans son système de retraite. Il en résulte que le futur nouveau système de retraite tunisien sera composé de trois piliers : le premier pilier est un régime de retraite par répartition obligatoire et à prestation définie, le deuxième est un régime par capitalisation à adhésion obligatoire et à cotisation définie, et enfin le troisième est un régime par capitalisation facultative à cotisation définie, qui aurait pour objectif d'assurer à celui qui le désire une meilleure retraite. De ce fait, le financement du système de retraite tunisien se fera d'une manière mixte avec une large part provenant du régime de retraite par répartition (80%), et une faible partie du pilier capitalisé (20%). D'autre part, il est recommandé pour la Tunisie de mettre en place ce système de retraite mixte car il possède des avantages sur le plan social et économique. En effet, ce dernier a une utilité sociale importante car il permet de préserver la solidarité intergénérationnelle et cet atout est issu du régime par répartition. De même, l'introduction d'un pilier capitalisé apporterait des sommes de capitaux considérables à l'économie tunisienne, augmentant l'investissement et favorisant par conséquent la croissance économique et l'emploi, d'où l'amélioration de la situation financière de nos caisses de retraite par répartition. Ainsi, cette réforme permettrait d'assurer la soutenabilité à long terme de notre système de retraite. De plus, ce système de retraite mixte diversifie les risques associés à ces derniers, ce qui conduit donc à une bonne gestion du risque retraite et à un meilleur arbitrage rendement-risque. La Tunisie doit aussi promouvoir les produits d'assurance vie car ces derniers font partie du troisième pilier capitalisé de la réforme. Des avantages fiscaux seront accordés par les pouvoirs publics aux salariés dans le but de les encourager à adhérer à ce genre de produit. Par ailleurs, l'assurance vie a des bénéfices économiques car elle constitue une épargne stable de long terme ayant des effets positifs sur la croissance. Enfin, il est important de souligner que l'Etat tunisien aura un rôle primordial dans la réussite de cette réforme des retraites car il devra assurer le contrôle et le bon fonctionnement de ce nouveau système capitalisé. Finalement, vu les nombreux avantages que procure cette réforme des retraites, à savoir le rétablissement de l'équilibre financier de notre système de retraite et le développement financier et économique de la Tunisie, alors il est urgent pour les autorités publiques tunisiennes de mettre en place ce projet. * (Doctorant en économie)