Par Hmida Ben ROMDHANE Le 11 septembre 2012, le 15 avril 2013 et le 23 avril 2013. Trois dates, trois attentats. Le premier à Benghazi et le second à Boston visaient les intérêts et les citoyens américains. Le troisième était dirigé contre les intérêts français dans la capitale libyenne. La signature du premier attentat était claire. Après un assez long répit, les Etats-Unis étaient de nouveau victimes un 11 septembre du terrorisme islamiste. Un groupe de terroristes libyens, qui se fait nommer «Ansar charia», a réussi à frapper les intérêts américains à Benghazi en s'attaquant au consulat américain, tuant l'ambassadeur Christopher Stevens et trois de ses collaborateurs. L'attentat du 15 avril a été perpétré au cœur de l'Amérique, à Boston plus précisément. Les terroristes ont eu l'idée diabolique de transformer une fête sportive en catastrophe, en plantant des bombes pas loin de la ligne d'arrivée du marathon de la grande ville américaine : 3 morts et 250 blessés. Le 23 avril, les terroristes ont frappé à nouveau en Libye, s'attaquant cette fois aux intérêts français. Une voiture piégée a explosé tôt le matin devant l'ambassade française à Tripoli. Il n'y a pas eu de mort, seulement deux blessés français dont l'un dans un état grave. Les dégâts matériels sont en revanche énormes : 60% de l'ambassade détruits, de nombreuses voitures calcinées et plusieurs maisons en face de l'ambassade ont subi de gros dommages. Un carnage était évité de justesse, l'attentat étant perpétré juste quelques minutes avant l'arrivée des employés. L'attentat antifrançais en Libye n'était pas surprenant. La France redoutait ce genre d'attentats depuis son intervention au Mali contre les terroristes d'Al Qaïda au Maghreb islamique qui ont juré de se venger. Il n'y a donc aucun mystère, et l'organisation qui se trouve derrière est connue, même s'il n'y a aucune revendication. Reste à poser la question si la France n'est pas un peu responsable de ce qui lui arrive en Libye. En effet, la France est à la pointe des forces coalisées dont l'intervention était déterminante dans la destruction du régime de Kadhafi. Or, maintenant, et à la lumière de ce qui se passe dans les pays du «printemps arabe», en particulier la Libye, il est légitime de se demander s'il est judicieux de renverser des dictatures et de livrer les économies et les sociétés victimes de régimes tyranniques à l'anarchie et au règne de milices armées très difficiles à maîtriser ? Il est de plus en plus évident que «l'anarchie créatrice» a des effets dévastateurs plutôt que créateurs, et que de plus en plus de citoyens en Libye, en Egypte, et même en Tunisie, qui ont participé au renversement des dictatures se mordent maintenant les doigts de l'avoir fait. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille accepter sans broncher les longs règnes dictatoriaux comme ceux de Ben Ali, Moubarak et Kadhafi. Les larges dégâts économiques et sociaux dont sont victimes aujourd'hui les pays du printemps arabe sont, paradoxalement, un pain béni pour les dictatures toujours en place. Il n'et pas absurde d'émettre l'idée que les développements anarchiques ailleurs ont poussé la majorité des Syriens à soutenir le régime dictatorial de Bachar Al Assad, ou au moins à s'abstenir de rejoindre les rangs de l'opposition, ce qui a permis à la dictature syrienne de se maintenir pendant plus de deux ans, et même de commencer à reprendre l'initiative sur le champ de bataille. Il est peut-être temps pour la communauté internationale de tirer les leçons qui s'imposent, à la lumière des développements malheureux observés dans les pays du printemps arabe. Si la chute violente des dictatures ne peut pas ne pas engendrer d'anarchie difficile à juguler et le règne de milices armées difficiles à maîtriser, pourquoi ne pas essayer d'autres voies, et par exemple une loi internationale vraiment révolutionnaire qui mettrait au ban de la communauté internationale les régimes dictatoriaux, interdirait tout rapport avec eux et imposerait à travers un système de sanctions contraignantes des réformes démocratiques de l'intérieur et des élections transparentes sous contrôle international. Cela peut paraître utopique et peut même prêter à sourire. Certes. Mais quel acquis d'envergure pour l'humanité n'a-t-il pas commencé comme une utopie au départ ? Pour revenir à l'attentat de Boston du 15 avril dernier, là aussi on se demande si les Américains ne sont pas un peu responsables de ce qui leur est arrivé. Le Washington Post dans son édition électronique du 23 avril rapporte, citant des enquêteurs américains, que le terroriste survivant, Dzhokhar Tsarnaev, a affirmé que «les guerres américaines en Irak et en Afghanistan les ont motivés, lui et son frère, pour commettre leur attentat terroriste». Que les frères Tsarnaev, musulmans américains d'origine tchétchène, aient agi tous seuls ou aient été manipulés par des terroristes professionnels, cela ne changera pas grand-chose pour le citoyen américain qui, une fois de plus, se pose en victime du terrorisme islamiste, sans se poser la moindre question sur la responsabilité de la politique étrangère américaine ou sur les choix désastreux de George W. Bush qui, soit dit en passant, voit maintenant sa popularité grimper dans l'opinion pour des raisons que seul le citoyen américain connaît...