Seule femme courtière en assurance en France et l'unique femme maghrébine membre du Conseil économique consultatif européen pour les investissements en Tunisie, Mme Samira Labidi a puisé dans son savoir financier pour conceptualiser deux projets relevant de l'économie sociale et solidaire, financièrement viables. Le premier projet, qui lui tient à cœur depuis des années, est une mutuelle de santé solidaire. Le deuxième consiste en une maison de retraite médicalisée. Ces travaux sont réalisés dans le cadre de l'association qu'elle préside, Entreprendre au Maghreb. Revenant sur ses débuts, en 2006, elle rappelle que l'association avait pour dénomination «Entreprendre en Tunisie». «Son objectif est de servir de passerelle entre la France et la Tunisie, d'apporter une dynamique réelle d'échange commercial et technologique», ajoute-t-elle. Le premier projet identifié était la mise en place d'une mutuelle de protection sociale pour les personnes démunies. La population cible s'élève à trois millions de personnes qui ne possèdent pas une couverture de base. «Mon premier combat est de parer à cette injustice sociale», relève-t-elle. Et de renchérir «ce n'est pas un luxe, c'est une nécessité». L'objectif est alors de créer une assurance médicale solidaire au profit des catégories sociales ne bénéficiant pas des prestations de la Cnam en leur permettant l'accès au secteur privé de la santé, avec un coût supportable et en adéquation avec leurs capacités financières. Ce projet, validé par le gouvernement actuel, permettrait à une population tunisienne démunie de bénéficier d'un système de santé solidaire «telle la CMU en France, soit une couverture maladie universelle», illustre-t-elle. De même, les patients qui n'ont pas accès aux structures publiques auront la possibilité de s'adresser aux cliniques privées. «Pour certaines thérapies, les maladies n'attendent pas», souligne-t-elle. S'attardant sur le système actuel, elle remarque que la couverture médicale s'étend principalement sur les salariés et l'ensemble des professions libérales. «De ce fait, le système n'est accessible qu'aux personnes actives», conclut-elle. Pour les autres, 805.000 familles bénéficiant d'une carte de soins à la charge de l'Etat pour les soins dans le secteur public, elle énumère «200.000 familles, sous le seuil de la pauvreté, bénéficient d'une carte blanche donnant accès aux soins gratuits, 580.000 familles bénéficient de la carte jaune donnant accès aux soins à tarifs réduits et 25.000 familles, population entrant dans la catégorie de la population démunie d'une façon temporaire (population rapatriée d'urgence de la Libye)». Et toute cette frange, s'exclame Mme Labidi, n'a pas accès aux soins du secteur privé. Pour le deuxième projet, il s'agit d'une maison de retraite médicalisée en Tunisie. Il s'agit d'offrir un cadre de retraite plus conforme et plus décent à tous les retraités, sans famille, ayant une retraite inférieure à 1.000 euros, soit plus de 70% des retraités, ou les invalides ou ayant besoin de soins à domicile. Ce projet table sur plus de 100.000 retraités en 3 ans. «Ce qui aurait pour effet de créer de 100 à 250 mille emplois directs et indirects, tous corps confondus (médecins, infirmiers, cadres de gestion, personnel d'entretien, nutritionnistes...)», selon les prévisions d'Entreprendre au Maghreb. Outre les retraités du Nord, le projet vise à élargir l'accès de ces maisons de retraite médicalisées à une population locale démunie composée de seniors. S'attardant sur le rôle de la diaspora dans le développement du pays, elle ajoute : « J'envie de voir comment les ressortissants d'un pays voisin sont organisés. Cette solidarité maroco-marocaine est une fierté. Nous avons de réelles compétences à l'étranger qu'on doit réunir autour de projets fédérateurs». Et de conclure: «Mon pays de cœur me tient à cœur».