L'humoriste français Guy Bedos était parmi nous, la semaine dernière, pour prendre part à la campagne «Pour la Tunisie qu'on aime». Cette initiative, qui vise à donner une belle image de la Tunisie post-révolutionnaire et qui lui a permis de rencontrer le public tunisien, a constitué une occasion pour lui poser quelques questions. Ecoutons-le. Vous dites dans votre sketch donné au Théâtre municipal, qu'en France, ça ne va pas très bien. Que dire alors de la Tunisie d'aujourd'hui? Je suis fasciné par l'intelligence des Tunisiens qui réfléchissent sur l'avenir de leur pays. Nous ne sommes pas venus pour leur donner des leçons. Beaucoup de gens ici trouvent le temps un peu long entre les actions et les résultats. C'est le destin inévitable d'un processus révolutionnaire que d'être dans l'expectative. Une révolution est un moment historique. Ce n'est pas moi qui vais trancher sur ce qu'il faut faire. Je ne suis pas qualifié pour. Je peux dire qu'avant, il y avait des tabous politiques. Maintenant, j'échange beaucoup plus avec les Tunisiens de différentes tendances. Je suis un «droit de l'hommiste» convaincu. En tout cas, la France n'a pas de leçons à donner à la Tunisie. Vous êtes ici dans le cadre de «Pour la Tunisie qu'on aime», pensez-vous que cette action soit réellement bénéfique pour le pays, qu'elle va à la rencontre de la Tunisie profonde et qu'elle reflète ce qui s'y passe? Notre action peut encourager les gens à venir et à relancer l'économie. C'est vrai qu'il y a des progrès à faire pour la Tunisie. Dans toute action, artistique ou sociale, il ne faut être ni trop optimiste ni trop pessimiste. Il s'agit d'être le plus sérieux et le plus lucide possible. Le spectacle du théâtre de la ville de Tunis a eu un grand succès, mais ce n'est pas en une soirée que l'on va changer le sort de la Tunisie. En tant que relais, nous sommes amenés à faire des rencontres, à susciter de l'intérêt pour le pays. Il y aura également la soirée à l'Olympia le 10 juin qui permettra de parler de la Tunisie qu'on aime. Cette campagne n'en est qu'à son lancement, mais nous avons des actions en vue. D'ailleurs, au lendemain de la soirée du 6 mai, nous nous sommes déplacés à Makthar pour soutenir le projet de l'association Trajan qui vise à restaurer le musée de la ville. Vous avez fait du cinéma et de la télévision, pourquoi avez-vous choisi de vous consacrer au monologue. Etant engagé politiquement, avez-vous trouvé que c'est un meilleur médium pour ce que vous avez à dire? Mon spectacle actuel est le dernier. J'arrête ma carrière en décembre prochain. Aucun des autres métiers qui me sont proposés (comédien, écrivain...) ne me donne le plaisir charnel d'être face au public dans la rencontre de l'humour. Cette satisfaction et cette liberté, je ne les trouve dans aucun autre métier. Après 50 ans d'exercice, c'est plus qu'un plaisir, c'est une plénitude dont je ne me lasse pas car le public a souvent beaucoup de talent. Selon vous, y a-t-il réellement une différence entre le monologue et les «nouveaux genres comiques», tels le one-man-show qui est en train de révéler de nouveaux «comiques»? Je suis très réservé sur certains de mes jeunes camarades. J'ai une autre vision, beaucoup plus dans le fond. Moi, je suis plutôt Fernand Raynaud et Raymond Devos. Je pense qu'il faut parfois avoir le courage de ne pas faire rire . La tendance dans notre métier c'est : «une phrase, un rire». Pour moi, c'est : «rire et réfléchir». Je cherche à exercer mon métier de façon citoyenne, à être un haut parleur pour ceux qui ne peuvent pas parler, parce que les moyens de s'exprimer pour les citoyens sont limités et se résument, généralement, au vote. De plus, dans nos métiers, il y a beaucoup d'autocensure. Que pensez-vous des humoristes tunisiens? Je connais Lotfi Abdelli. Il est très doué. Il voudrait travailler en France. Je ferai tout pour l'aider à réussir dans cette perspective. Il a parfois tendance à céder à la facilité, mais je vais essayer de le convaincre d'y renoncer.