La suppression de la subvention relative aux produits alimentaires et aux produits énergétiques aura des conséquences néfastes non seulement sur la classe pauvre, mais aussi sur la classe moyenne. En effet, cela entraînera l'affaiblissement de leur pouvoir d'achat au moment où le pays vit une conjoncture économique difficile. D'ailleurs, selon une étude réalisée par l'Institut national de la statistique (INS), en collaboration avec le Centre de recherche et des études sociales (Cres), avec l'appui de la Banque africaine de développement (BAD), les ménages tunisiens ont reçu, en 2010, 888 millions de dinars en subventions alimentaires. Les ménages pauvres n'en ont profité que de seulement 107 millions de dinars. Dans la même perspective, il y a lieu de noter que seulement 9,2% des subventions profitent aux ménages les plus pauvres, contre 60,5% aux ménages de la classe moyenne et 7,5% à la frange riche. Le reste des subventions (22,8%) est transféré hors ménages pour profiter aux restaurants, aux cafés, aux touristes et au commerce illégal transfrontalier. Comme le note la même étude, la répartition de la subvention semble inéquitable entre la population pauvre et non pauvre. C'est que les ménages pauvres représentant près de 15,5% de la population tunisienne et ne perçoivent que 9,2% de la masse totale des subventions. Toutefois, cela n'exclut pas le fait que les subventions assurent une protection sociale pour la population pauvre. L'on entend par cela que les subventions représentent pour ces ménages 20,6% de la valeur totale de leur consommation alimentaire. La part de la classe moyenne est estimée à 11,8% et celle de la population riche est de 5,1%. Il va sans dire que ces subventions ont permis de réduire les inégalités entre les classes sociales. Ces inégalités, ayant atteint 37,8% en 2010, auraient été de près de 38,5% en l'absence des subventions alimentaires. L'étude souligne tout au plus que la contribution des subventions à l'apport calorique et protéique a été substantielle en 2010. En effet, 28,6% de l'apport calorique total et 25% de l'apport protéique total au profit de la population défavorisée proviennent de la subvention. Compte tenu de ces données, il s'avère clair que la suppression éventuelle des subventions contribuerait à l'augmentation de la pauvreté et de la pauvreté extrême. A court terme, les ménages vulnérables seraient incapables d'ajuster immédiatement leur consommation à la suite d'une hausse des prix de produits alimentaires de base. De ce fait, une suppression des subventions aux produits alimentaires de base entraînerait une augmentation de 3,6 points du taux de pauvreté : 400 mille individus basculeront dans la nécessité. Ce taux de pauvreté passerait à court terme de 15,5% à 19,1%. Sachant que l'augmentation sera plus forte dans le milieu rural pour s'élever de 22,6% à 27,6%. Les analyses faites dans le cadre de cette étude montrent, par ailleurs, que certains produits comme la farine, la baguette de boulanger sont pratiquement consommés par les ménages aisés. Tandis que la semoule, le gros pain et l'huile végétale sont consommés le plus par les ménages pauvres. Ce qui donne à lire qu'une éventuelle augmentation des prix de ces produits aura des retombées néfastes sur la condition des gens démunis. Ainsi, la suppression de la subvention aux produits de base paraît-être une arme à double tranchant. D'une part, elle permet de réduire l'inégalité dans la répartition, une fois appliquée aux classes sociales riches. D'autre part, elle nuit aux pauvres. Afin de pallier ce genre de difficultés, certains experts proposent de mieux cibler les bénéficiaires des subventions. Ce, en adressant les aides publiques aux ayants-droit sous forme de transferts directs en espèces. Pour ce faire, il devient nécessaire de bien caractériser les consommations des pauvres et de réserver la subvention à ces produits, afin d'éviter un accroissement des souffrances de ces catégories sociales.