De notre envoyé spécial en Indonésie Lassaâd BEN AHMED Désignation de M. Popo Danes en tant que consul honoraire à Bali Le débat sur l'Islam et la démocratie était particulièrement animé lors du Forum de Bali auquel participe une délégation tunisienne composée de constituants, de représentants de l'administration, de la société civile et des médias. Loin de prendre la forme d'un cours magistral, la problématique de compatibilité entre la loi divine et les légiférations humaines a permis de dégager des repères communs sans pour autant trancher définitivement en faveur d'une laïcité refusant toute forme de croyance en faveur de l'orthodoxie religieuse, refusant toute forme de différence. Et si la Tunisie a trouvé refuge jusqu'à présent dans l'article 1er de la Constitution de 1959, l'Indonésie a déjà opté dans sa Loi fondamentale pour la suppression du principe d'application de la charia. Dans sa Constitution, on ne mentionne pas que l'Islam est la religion de l'Etat, bien que 80% de la population soit musulmane. Et ce choix est fait par cette même majorité musulmane d'après le Bahatir Effendy, professeur de sciences politiques à la faculté des Sciences politiques à Jakarta. Ce choix trouve justification dans l'existence de centaines de croyances dans l'archipel océanique. Et le fait de reconnaître que l'Islam est la religion de l'Etat pourrait constituer une source d'exclusion et de tension sociales, entravant forcément tout élan de développement. Le fait de ne pas mentionner la religion de l'Etat a permis d'entretenir la diversité culturelle et ethnique de l'Indonésie qui trouve d'ailleurs illustration dans la prédominance de la religion hindoue sur l'île de Bali. Cela a permis aussi d'appliquer la charia in extenso dans l'une des dix-sept mille îles relevant de l'archipel. Cela a valu à l'Indonésie sa reconnaissance mondiale en tant que troisième plus grande démocratie (en termes de population) après l'Inde et les Etats-Unis. Et la réalité du terrain ne contredit pas les textes. Les Indonésiens sont d'accord que l'Etat, la terre et la langue appartiennent à tous les citoyens. Le respect et l'acceptation de l'autre étant un enseignement assimilé et apprécié unanimement par tous les participants tunisiens, dont par exemple le constituant Mohamed Néji Gharsalli, qui a déclaré à La Presse qu'il diffuserait cette valeur dès son retour, souhaitant que plusieurs autres acteurs et décideurs politiques aillent en Indonésie, rien que pour observer comment des êtres humains parviennent à vivre et travailler ensemble malgré leurs différences. Le Forum de Bali pour la démocratie dans sa première version a été ainsi considéré comme un début de partenariat constructif entre les deux pays. Un programme devrait être établi pour permettre aux deux pays de se ressourcer en matière de construction démocratique. Et l'expérience tunisienne ne serait pas sans intérêt pour l'Indonésie même si elle marque une certaine longueur d'avance. Dr Hassan Wirajuda, ancien ministre indonésien des AE, conseiller du président et patron de l'Institut pour la paix et la démocratie, affirme à La Presse que l'expérience tunisienne pourrait consolider l'expérience indonésienne si elle arrive à concilier Islam et démocratie. Il explique également que la construction démocratique ne finit jamais, il faut toujours rectifier les textes pour répondre le mieux aux aspirations des citoyens. Dans le même sens, le professeur Bahatir Effendy considère que la conciliation entre démocratie et Islam n'est pas un but en soi. Le fait que le refus des inégalités pousse un citoyen comme Mohamed Bouazizi à s'immoler par le feu signifie que le modèle de gouvernance n'est pas un but en soi, mais il faut que cette démocratie parvienne à répondre aux aspirations des citoyens et à réaliser le développement humain dans son ensemble. Les chiffres montrent que jusqu'à présent, l'Indonésie parvient à réaliser une croissance moyenne annuelle de 6%, avec un taux d'endettement toujours orienté vers la baisse de 22% du PIB. Performance appelée à être consolidée d'après les prévisions.