De notre envoyé spécial à Bali, Lassaâd BEN AHMED La ville de Bali (Indonésie) abrite, cette semaine, le premier Forum pour la démocratie, une opportunité pour renforcer la coopération entre la Tunisie et l'Indonésie. Une coopération qui remonte à 1960, date de l'établissement des relations diplomatiques. Ce premier forum, initié par l'Institut indonésien pour la paix et la démocratie, l'Agence balienne pour le forum démocratique et le ministère indonésien des AE, sera axé sur le renforcement de la gouvernance électorale. Une délégation tunisienne de treize personnes, représentant l'Assemblée constituante, l'administration, la société civile et les médias s'est déplacée à Bali, paisible île indonésienne, pour débattre des thèmes d'intérêt commun, entre autres la transition démocratique, la justice transitionnelle, les élections, la cohabitation, etc. Les deux pays mettent en œuvre, en effet, des programmes de transition démocratique, depuis 1998 pour l'Indonésie et depuis 2011 pour la Tunisie. Sur plusieurs plans, les deux pays sont loin d'être comparables, que ce soit au niveau historique et géographique ou celui des ressources humaines et naturelles ou même en ce qui concerne le poids dans les relations internationales. Les divergences sont multiples et chaque pays présente des spécificités faisant en sorte qu'il serait impossible de transposer l'expérience de l'un sur l'autre. Mais cela n'empêche pas l'existence de plusieurs points communs permettant un ambitieux échange en matière de construction démocratique. L'Indonésie marque, à ce niveau précis, une certaine longueur d'avance, puisque son processus a commencé depuis 1998, lorsque chuta le régime de Suharto. Depuis les années 90, en effet, un changement radical a été mené dans le système de la représentativité et de la gestion des affaires publiques. Le pays ressemble aujourd'hui plutôt à un état fédéral avec des provinces autonomes, surtout en matière de développement, d'aménagement, de santé, d'éducation, d'emploi, d'état civil et d'environnement. Les affaires étrangères, la défense, la sécurité et les finances restent toujours centralisées. Et d'ores et déjà chaque province, chaque ville/municipalité, voire chaque localité est dotée de ses propres institutions législatives et exécutives, élues tous les cinq ans. Cela permet à chaque région de s'approprier son propre plan de développement, mais d'après plusieurs responsables indonésiens, ce système électoral coûte cher à la nation. La déconcentration du pouvoir est également dictée par la nature géographique du pays composé de plus de dix-sept-mille îles. En Tunisie, la question de la décentralisation et de la déconcentration du pouvoir a été soulevée à maintes reprises après la révolution sans pour autant être débattue par le législateur (la Constituante actuellement). Il s'agit pourtant d'une option non négligeable dans le nouveau processus de construction. Laquelle construction serait, de l'avis de plusieurs experts, plus solide si elle commençait par le bas de l'échelle sociale, localité, ville, gouvernorat, Etat central... Laïcité vs religion Autre point de concordance, le rapport de la construction démocratique à la religion. En Tunisie, la question anime un vif débat depuis la proclamation des résultats des élections du 23 octobre 2011. Au niveau du texte, la question s'est soldée par le maintien du premier article de la Constitution de 1959, mais en pratique la dernière mouture suscite plusieurs craintes quant à l'interprétation et les intentions d'application du texte divin et ses répercussions sur les libertés publiques et privées. En Indonésie, pays qui compte le plus grand nombre de musulmans dans le monde (87% des 250 millions d'âmes), la question ne semble pas poser de problème. Même les minorités hindoues, bouddhistes et chrétiennes n'ont pas de problème à pratiquer leurs rites et à jouir de leur droit au respect. Il suffit de se rendre à l'avenue Puja Mandala, à Bali, pour s'en rendre compte. Cinq lieux de culte construits côte à côte : un temple hindou, une église protestane, un temple de Bouddha et puis une mosquée. Les autochtones disent que Bali est considérée comme l'île des dieux par ses mille temples construits à travers son histoire. Les différentes croyances cohabitent sans problème et le sourire est toujours sur les visages des Baliens. Mais cela n'est pas tout, une autre démonstration a été faite samedi dernier, à la faveur du dernier jour de la campagne des municipales, avant le silence électoral. Les deux candidats aux prochaines élections régionales, prévues pour le 15 courant, Puskayoga et Pastika, sont venus faire leurs prières côte à côte au temple de Besakih, à quelques lieues du Mont Agung, point culminant de l'île de Bali, 3142m d'altitude. Bali est en effet l'une des rares îles à majorité non musulmane. Et les deux candidats sont de confession hindoue. Le message est clair à leurs partisans respectifs : la rivalité politique n'entache pas leur appartenance fraternelle à la même identité. Et le plus important, après les résultats leurs compatriotes restent unis à l'image des fidèles d' une seule croyance...