Hier à Tunis le tout Tunis politique était au rendez-vous de cette rencontre unique en son genre où les partis, toutes tendances idéologiques confondues étaient conviés pour en savoir plus sur l'expérience indonésienne en matière de démocratie. L'occasion était la tenue d'un séminaire ayant pour thématique « Le processus démocratique en Indonésie : partager l'expérience indonésienne avec la Tunisie ». La première question était donc de comprendre le pourquoi de cette rencontre en ces temps de bouillonnement idéologiques et de tiraillements douloureux sous nos cieux, et puis aussi de savoir pourquoi l'Indonésie en particulier et non pas un pays occidental où la démocratie n'y est pas a ses premiers balbutiements ? La réponse était évidente aux yeux de cette assistance nombreuse qui sans pour autant chercher à tourner le dos à l'expérience occidentale en matière de démocratie, tente un tant soi peu, de s'ouvrir sur l'Asie et de connaître davantage un pays que bon nombre d'entre nous ne connaissent qu'à travers la carte. L'Indonésie aujourd'hui, le pays et d'après les intervenants lors de ce séminaire, est parmi les plus grandes démocraties du monde même s'il ne s'est familiarisé avec ce concept que depuis seulement 14 ans. Une avancée en matière de libertés qui lui vaut un taux de croissance assez appréciable en ces temps de crise, étant de 6,5% l'année dernière. Mais la question reste à savoir comment ce pays qui vivait sous la coupe d'un régime autoritaire du temps de l'ancien président Suharto , est-il parvenu à franchir d'une enjambée autant de problèmes économiques et sociaux liés au chômage et à la pauvreté, notamment ? «Mon pays a compris que le pain à lui seul ne suffisait pas pour la vie et que l'on ne peut pas imaginer un développement durable sans démocratie. » avance Hassan Wirajuda, conseiller du président indonésien pour les affaires étrangères et ancien ministre des affaires étrangères en Indonésie. Tout le monde conviendra à dire tout comme l'intervenant que le processus démocratique est un chemin log sinueux et semé d'embûches qui commence avec des élections libres et transparentes. Car comme le dit si bien Hédi Abbas le Secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires Amérique et Asie « la démocratie est un concept ouvert qui commence avec le développement des institutions pour devenir une culture. » Les intervenants lors de ce séminaire seront unanimes, en ce sens, pour considérer la période de confusion et de brouillement de cartes, propre à nous en ces temps critiques comme étant l'apanage de toute transition démocratique et qu'elle est positive. «La démocratie n'est pas uniquement des élections réussies » fait remarquer Hassan Wirajuda. Une idée reprise par Amien Rais, ancien président de l'Assemblée consultative du peuple en Indonésie qui dit « qu'il ne suffit pas de dire bye-bye au dictateur mais d'assurer une bonne succession. » Qu'en est-il des critères d'une bonne succession ? Selon Hassan Wirajuda, une bonne succession suppose la mise en œuvre d'un calendrier pour les réformes qui passe entre autres par la défense de la loi et de sa suprématie. Pour Amien Rais , il est des principes de réforme à observer dans tout processus démocratique dont la réforme de la Constitution qui doit être exhaustive pour ne pas laisser la place à des âmes malintentionnées pour en faire mauvaise interprétation. Toujours selon lui il faut donner leurs autonomies aux grandes régions du pays.
Islam et politique font-ils bon ménage ?
Mais on n'aurait pas imaginé cette rencontre sans pour autant poser la sacro-sainte question de l'Islam dans sa relation à la chose politique et surtout de répondre au questionnement qui revient à chaque fois comme un leitmotiv et revient à savoir si l'Islam est un danger ou encore si l'Islam est compatible avec la démocratie. La question semble agacer Amien Rais qui est considéré dans son pays, l'Indonésie, comme étant un éminent politique ayant inspiré le mouvement de réforme qui avait forcé la démission du président Suharto en 1998. Il est aussi, entre autres, le président de l'organisation musulmane « Muhammadiyah », l'une des deux plus grandes organisations musulmanes en Indonésie avec la « Nahda des Ulémas ». Selon lui « Je trouve humiliant le fait de chercher à savoir s'il y a une quelconque compatibilité entre l'Islam et la démocratie. L'Islam a des valeurs universelles qui lui sont propres depuis l'ère du temps alors que la démocratie est un concept nouveau crée par des humains. Le plus correct serait de poser la question autrement est-ce que la démocratie est compatible avec l'Islam ? » dit-il en expliquant dans un autre contexte que « l'islamophobie est un fait qu'il faut prendre en considération dans un pays comme la Tunisie observée de près par des gens qui ignorent l'Islam et ne peuvent que haïr notre religion sans chercher à l'appréhender. » Amien rais qui a présenté un exposé sur le « rôle de l'Umma islamique dans la transition démocratique en Indonésie » a expliqué qu'en Indonésie deux mouvements religieux se distinguent la Muhammadiyah et la Nahda et que cela n'a pas empêché d'après ses dires « des stupides » qui ne sont autres que les extrémistes fondamentalistes à faire du bruit. Ces personnes qu'il qualifie aussi de marionnettes ne représentent dans son pays que 1 ou 2% de la communauté musulmane. La réussite de l'Islam en tant que philosophie dans un pays comme l'Indonésie selon Amien Rais est redevable au fait que les gens qui gouvernent le pays ont compris qu'il fallait prendre en considération les différentes appartenances religieuses des Indonésiens même si l'Islam est majoritaire. L'Indonésie étant un pays où cohabitent plus de 300 groupes ethniques. Il a rappelé en ce sens que l'Indonésie avait lors de son processus démocratique à gérer les relations entre islamistes et sécularistes.
Débat sur la Chariaâ
Hassan Wirajuda considère, dans la foulée, que son pays a réussi à « trouver un compromis pour accommoder l'Islam dans le cadre d'une vision politique au lieu de parler d'un concept direct se résumant dans l'application de la Charia » Il a rappelé qu'un débat houleux a accompagné le processus démocratique dans son pays et qu'il est du sort de la Tunisie actuellement de trouver ce compromis. Les conférenciers qui ont relevé beaucoup de points communs entre le processus démocratique en Indonésie et celui que nous vivons actuellement en Tunisie. Ils demeurent, par ailleurs, optimistes pour la réussite du nôtre, considérant que nous sommes en avancée par rapport à des pays du dit printemps arabes comme l'Egypte.