Ce n'était pas un exercice facile pour les trois députés de l'ANC, invités par l'Association des tunisiens des grandes écoles (Atuge), à l'occasion d'un diner-débat organisé mardi, sous le thème «Constitution, la dernière ligne droite». Et pour cause, Lobna Jeribi, Noômane Fehri et Zied Laâdheri s'adressaient à des têtes bien faites et des esprits cartésiens, pour qui le discours populiste est une insulte à leur intelligence, comme l'a fait observer un des intervenants au cours du débat. Invité à faire une lecture de la dernière mouture de la Constitution, qui sera d'ailleurs révisée encore une fois dans les commissions, Farhat Horchani, président de l'Association tunisienne de droit constitutionnel, fait observer que la dernière version de l'avant-projet de Constitution est le fruit d'un travail auquel ont contribué les députés, les experts et la société civile, et ce, dans un climat de méfiance les uns des les autres. Cependant, il note que le projet qui en a résulté est marqué par des peurs traduites dans la rédaction du texte. La première de ces «phobies», comme il les a appelées, c'est celle de la référence à la religion, et ce, dans plusieurs articles (article 139), ainsi que dans le préambule qui oppose l'universalité des droits de l'Homme aux spécificités culturelles. «Peut-on sérieusement définir de façon claire quels sont les fondements de la religion islamique ? Il y a plusieurs approches idéologiques en Islam, laquelle va-t-on adopter? Les réponses à ces questions ne m'intéressent pas, ce qui est important à souligner c'est qu'on ne peut pas invoquer les fondements de l'Islam dans un texte constitutionnel», explique-t-il. La deuxième phobie, c'est celle observée vis-à-vis du monde extérieur, en se refusant de s'ouvrir et de faire référence aux conventions et traités internationaux, y compris ceux déjà ratifiés par la Tunisie. «Ne pas faire référence aux traités internationaux dans le préambule, c'est repousser l'investisseur étranger qui ne se sentira pas en sécurité», dit-il. Pour sa part, Lobna Jeribi s'attarde sur les «innovations» de la nouvelle Constitution, surtout en termes de démocratie participative consacrée par une plus grande autonomie pour les régions. Cependant, elle déplore que les questions ayant trait à l'égalité homme-femme et au caractère civil de l'Etat soient restées encore ambiguës. Quant à Zied Laâdheri, il s'exprime à titre personnel en faveur d'un régime politique dans lequel le président de la République jouera le rôle d'arbitre uniquement. «Le choix qui a été fait d'opter pour un régime mixte est, à mon avis, une erreur, il ne doit y avoir qu'un seul pilote dans le cockpit, le régime mixte conduira à mon sens à des blocages fréquents», confie-t-il. De son côté, Noômène Fehri n'a pas hésité à déclarer que si d'ici la fin du mois de mai aucune date n'a été fixée pour les élections, il serait peu probable que celles-ci se déroulent en 2013. Venant pour la plupart du milieu des affaires, les intervenants au cours du débat ont exprimé leurs craintes face au taux d'endettement de l'Etat qui frôle les 50% du PIB et face à la morosité économique. Autant d'indicateurs qui, selon eux, font planer le risque d'une faillite à la grecque.